mardi 6 décembre 2011

2011 Sur les Pas des Huguenots dans la Drôme
















Texte original: Jochen Sicars / Traduction : Françoise Fourault-Sicars

De Dieulefit à Aurel

Tout a commencé lorsque j’ai écrit deux articles sur ce sujet pour le portail Internet franco-allemand EspritAzur. Au fur et à mesure que je lisais des choses sur ce chemin de grande randonnée riche d’histoire, l’eau m’en venait à la bouche. Sur plus de 1 500 km, il relie les stations qui ont marqué l’exil des protestants français après la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685, entre Le Poët-Laval dans la Drôme et Bad Karlshafen en Allemagne.

Je déniche le site Internet de l’Association du « Hugenotten-Waldenserpfad » (Sentier des Huguenots et des Vaudois) en Allemagne, où à Bad Karlshafen, existe depuis longtemps un centre de recherches sur les Huguenots. Grâce aux relations nouées avec les responsables des jumelages de ces localités, je fais ensuite la connaissance de l’initiateur du projet côté français, Johannes Melsen, qui me fournit des indications précieuses sur toutes les activités ayant trait à ce thème.
Johannes Melsen m’envoie une documentation sur les différentes stations du Sentier dans le département de la Drôme, dont l'adresse d'une agence de voyage qui propose des séjours itinérants en France à pied, en vélo, en roulotte, en canoë, et bien d’autres encore. Il s’agit de l’agence Safran.

Il me donne aussi l’adresse Internet d’une manifestation tout à fait originale déjà organisée sur ce sentier, qui est ouvert seulement depuis 2009/2010 : la randonnée d’un petit groupe parti en octobre 2010 de Poët-Laval (à l’est de Montélimar) et qui a parcouru ce chemin pendant 30 jours jusqu’à Genève, où plus de 200 personnes lui ont réservé un accueil enthousiaste. Le caractère exceptionnel de ce projet est que, d’une part, tous les bagages étaient transportés à dos d’âne (voir plus loin Tzig’Ane) et que, d’autre part, l’une des deux organisatrices, Barbara Huntziker, céramiste et épouse de Johannes Melsen, envoyait chaque soir un compte-rendu à son mari, qui le publiait aussitôt sur le blog cité ci-dessous.



Tout est donc clair pour moi : en juin, quand ma femme suivra son stage artistique annuel dans le Vaucluse, je ferai au moins un bout de ce chemin à pied. L’agence Safran, qui propose des séjours de 3 ou de 8 jours, me concocte une randonnée sur mesure et, à l'heure qui l'est, après avoir parcouru mes 70 km en quatre jours, je peux dire que tout s’est merveilleusement bien passé. Autant la planification, avec description exacte de la route et cartes IGN sur lesquelles on peut voir inscrites les montées et les descentes du sentier en rouge et en bleu, que les réservations dans les chambres d'hôtes où le randonneur fatigué peut merveilleusement se détendre et d'où ses bagages sont transportés le lendemain jusqu'à la prochaine station.

Voilà pour ce qui est de l’origine et de la préparation de ce projet. Passons maintenant au journal de bord qui commence le dimanche matin. Arrivés le samedi à Saint-Saturnin-les-Apt, ma femme et moi nous aventurons sur le chemin périlleux et cahoteux qui descend à la Bastide des Tavannes et – ô miracle - sans égratignure du carter ou du pot d'échappement de notre voiture. C’est là que Françoise et ses quatorze comparses veulent s’initier aux secrets de la peinture acrylique et c’est de là que je poursuis mon chemin en direction de la Drôme, vers Dieulefit.


Tracé de la première partie du Sentier de randonnée dans le Diois
Le village d’AUREL évoqué dans le récit se trouve dans les environs de Montmaur-en-Diois



Dimanche 12/06/2011 (de Pentecôte)
Après une nuit un peu difficile dans un environnement plutôt rustique, lever à 7 h 30. Les stagiaires qui surgissent peu à peu de leurs appartements respectifs nous rejoignent dehors pour un petit déjeuner préparé, comme toujours, avec amour et beaucoup d'originalité par le maître de maison Nicolas (qui n’hésite pas à recommander vivement à sa clientèle des thés concoctés avec le bouquet de thym qu’il vient d’arracher de sa terre). Magnifiques pains et confitures de toutes sortes, le tout fait maison – la journée commence bien.

Vers neuf heures, je me mets en route, car le cours de peinture commence à 9 h 30. Je retrouve l’enfer du chemin escarpé qui mène à la route départementale, parsemé de blocs de pierres et de profondes rigoles transversales. Le GPS peut ensuite reprendre les rênes pour me conduire à ma première destination Dieulefit, via Sault et Nyons. Dieulefit – le nom du lieu est déjà une première référence au lieux de repli des Huguenots dans le Diois et le Vercors ; le Désert en est une autre. C’est ici que les persécutés venant de toutes parts avaient leurs cachettes, leurs églises secrètes, leur vie dans « le Désert », comme Jésus-Christ autrefois. Deux heures et demie me seront nécessaires pour parcourir la courte distance d'une centaine de kilomètres à travers les Baronnies, si riche est-elle de virages et d’incessantes montées et descentes.

Depuis hier, le marché annuel des potiers bat son plein à Dieulefit et il attire apparemment des milliers de visiteurs. Bouchons, déviations – rien n’est épargné aux nouveaux arrivants. Comme je l’apprends ensuite, Dieulefit est un grand centre de poterie, apparemment connu à la ronde pour ses produits, plus riches en couleurs que ceux du Var.


Puisque je suis arrivé trop tôt, je continue tout de suite en direction du Poët-Laval, pour pouvoir visiter tranquillement le Musée du Protestantisme, qui se trouve au point de départ du Sentier. Le musée, installé dans l'ancien temple et qui, depuis de vieilles bibles huguenotes jusqu'à de vieux tabourets utilisés pendant les réunions clandestines, rassemble d'émouvants souvenirs, et fournit de nombreuses informations sur la période de persécutions que connut la région au lendemin de la révocation de l'édit de Nantes. Le Poët-Laval est l’un de ces villages de montagne accolés en haut des rochers, avec un vaste panorama sur la vallée, des ruelles enchevêtrées, idéales pour égarer les intrus, mais qui invitent sans cesse à sortir son appareil photo. Félicitons en passant l’inventeur de l’appareil photo numérique qui permet ensuite d’effacer le trop-plein !

Une salade exquise garnie de petits rouleaux de poisson frit et diverses garnitures – caviar d’aubergine ou de poivron et autres – aux assaisonnements intéressants m'aident à passer le temps jusqu'à l'ouverture du Musée qui affiche « Ouvert toute l’année, tous les jours à partir de 15 h ». Je profite de cette pause pour écrire mon journal, mais même à 15 h 30, personne en vue au Musée – c’est la Pentecôte. Donc, retour à Dieulefit pour rejoindre mes quartiers du jour, difficiles à trouver en raison du chaos qui règne dans la circulation. Qui apprendra un jour aux gens à décrire clairement un chemin, au lieu de faire des grands gestes inutiles ? Au bout d’une demi-heure, j’aperçois la minuscule pancarte du THÉRON, une propriété dont les différents étages sont greffés sur les derniers restes de la muraille moyenâgeuse de la ville. Un lieu vraiment idyllique, mais peu recommandé pour les jambes fatiguées, vu la différence de hauteur des marches qui conduisent à ma chambre ou à la piscine. En récompense : des fleurs qui envahissent les lieux partout où le regard se pose. L'accueil est chaleureux, la chambre charmante, avec une décoration très asiatique en souvenir du temps où le propriétaire était diplomate en Extrême-Orient. Aujourd’hui encore, le couple se rend chaque année au Laos pour y créer un refuge de papillons !
Dîner au restaurant réservé à mon nom, et au lit – demain, l’aventure commence.

Lundi 13/06/2011
(toujours de Pentecôte)
Lever à 7 heures, faire la valise, trier ce qui doit rester dans le sac à dos – le reste sera transporté à la destination suivante au cours de la journée. Petit-déjeuner, royal et bio. La Drôme est le « département bio » numéro 1 en France, comme m’en informe en passant la maîtresse de maison. Depuis le premier instant, celle-ci donne d’ailleurs au visiteur l’impression d’être à la maison. À force de bavardage, j’en oublie d’emmener le pique-nique commandé à l’avance par les soins de SAFRAN, mais j’emporte au moins suffisamment d’eau. Une charge non négligeable au départ, mais au cours de la journée, le fluide changera vite de « contenant », avant même d’avoir le temps de s'évaporer. Vers 9 h 20, j’attaque enfin ma randonnée, avec un dénivelé de 400 mètres ; la deuxième étape de ce sentier commence juste au pied de la muraille citadine et, comme bon nombre d’autres étapes, elle suit le GR 9. Par manque de temps, j’avais dû laisser tomber la première étape, qui commence au Poët-Laval.

Le chemin raide et cahoteux ne me laisse aucun doute : ce ne sera pas une promenade dans un parc ! Je commence même à me demander si mon dos, réparé à la hâte avant de partir, va bien résister aux jours à venir. Je n’atteindrai effectivement que rarement ma longueur de pas habituelle de 90 cm. Les petits « bonshommes » du Sentier des Huguenots et les balisages blancs et rouges du GR9 me montrent toujours le chemin, remplacés de temps à autre par des points orangés ou des traits bleus, le tout étant minutieusement expliqué dans le guide de randonnée. Le paysage ici a changé depuis que j'ai quitté la Drôme provençale hier, environ dix kilomètres en amont de Dieulefit. Les plantations d'oliviers et les champs de lavande ont cédé la place à la forêt de feuillus et aux prairies. Vers midi, tout devient plus plat, les prairies alternent avec des collines, il y a des fermes à droite et à gauche, le chemin se transforme temporairement en route asphaltée.


Courte pause sous un toit de feuilles ombragé, où un couple de promeneurs de la Pentecôte est en train lui aussi de déguster son pique-nique.
Le chemin continue ensuite sur des pistes de plus en plus étroites, je dois ouvrir une barrière à bétail et la refermer soigneusement. Je trouve tout cela indiqué dans le petit manuel, à côté des temps de marche, des distances ou de l'altitude. Un guide qu’il vaut mieux ne pas lâcher si on ne veut pas risquer de faire des détours inutiles de plusieurs kilomètres.


Sur une colline de 650 m d’altitude, voici l’église de Comps ; un dernier effort, et j’ai devant moi cet édifice dépouillé de style romain, dont une partie date du XIe siècle. Comme me l’explique Michel Tinet de l’association Comps Historique, qui se trouve justement sur place, il ne s’agit pas d’un temple huguenot, comme on pourrait s’y attendre à cet endroit, mais d’une église catholique qui est utilisée par les deux confessions depuis le XVIIIe siècle. Celle des Huguenots se trouve quelques centaines de mètres plus loin, dans la vallée. Après la sécularisation de nombreuses propriétés religieuses pendant la Révolution, elle est aujourd'hui propriété privée. Rien à manger à perte de vue, donc je continue.
De nouveau, le chemin monte, traversant une forêt de feuillus, jusqu'à 785 m ; ensuite commence la longue descente vers Bourdeaux, le but de mon étape d'aujourd'hui, situé à 400 m d'altitude.

Longeant de grandes fermes très éloignées les unes des autres, où l’on est partout en train de rentrer les foins, je passe devant le Château Saint-André, puis devant un gîte rural, LA BOUDONNE. Dans
un environnement très pittoresque dominant les lieux, cette ferme est un gîte avec piscine (la semaine hors saison 300 €, en saison 400 €) qui dispose de son propre troupeau de moutons. Quelques virages en zigzag plus bas, mon premier cimetière huguenot, un petit carré de pierres brutes empilées, pas plus de 20 mètres de côté.




Ici, comme à toutes les autres stations liées à l’exil des Huguenots, on a installé des panneaux informatifs pour démarquer ce sentier de la masse des chemins de grande randonnée.
Après le début des persécutions, en 1685, les « infidèles » n’avaient plus le droit d’être enterrés dans les cimetières catholiques et ils établirent donc leur dernière demeure sur leurs propres terrains. Les zigzags continuent en descendant jusqu’à Bourdeaux. Premiers lancements dans le genou. Encore une traversée de rivière, sans me mouiller les pieds grâce aux bâtons de marche nordique, puis j’atteins mon but. Seize kilomètres, pas mal pour une première journée. Quatre heures de l’après-midi, une chaleur étouffante, petite sieste. Puis enfin un bistrot qui, après m'avoir proposé un « croque-monsieur » que je refuse, me sert tout de même des lasagnes super délicieuses (plat du jour), farcies de viande de volaille et de légumes, avec un soupçon de curry.

Juste en face, mon logis pour les deux prochaines nuits : LA TULIPE SAUVAGE. Moins joli que le dernier gîte, mais un accueil plein de gentillesse, chambre propre, piscine et jardin, ici aussi. Mes bagages viennent d’arriver. Dîner en commun et discussion sans fin avec les hôtes Françoise et Bruno et un couple originaire de Belgique, Pierre et Yasmina (Tunisienne), qui travaillent dans le domaine pharmaceutique en Inde. Vers 11 h 30, je suis enfin couché, après d’abondantes ablutions et une friction préventive contre les courbatures.

Mardi 14/06/2011
Dormi comme une pierre, et pourtant les courbatures sont là. Donc, nouvelle friction – et en avant. Le petit déjeuner ne peut pas faire le poids avec celui du THÉRON, mais il suffit amplement. Aujourd’hui, c’est mon « jour de repos », à savoir seulement sept kilomètres de marche en boucle pour aller à la découverte de quelques sites de l’histoire des Huguenots. Ce qui ne m’empêche pas en tout cas d’emporter mon pique-nique. Tout de suite, le sentier recommence à monter.



Sur la droite, encore plusieurs tombes de Huguenots, reconnaissables de loin à leurs murs en pierres sèches et au grand cyprès. Lorsqu’on s’en approche, on voit qu’elles sont encore utilisées aujourd’hui. Sobres et dépouillées, avec juste un petit poteau flanqué d’un petit panneau émaillé portant le nom du défunt.

La route goudronnée étroite se perd dans la forêt, longeant les champs de blé déjà dorés. Ombrage bienvenu de la forêt de hêtres, des marronniers et des chênes, et la route continue à monter, mais aujourd’hui jusqu’à 750 m d’altitude seulement. Voici la ferme baptisée « Le Bourreau » : en 1683, on y a contraint un pauvre protestant à pendre trois de ses coreligionnaires que l’on avait fait prisonniers à la bataille de Bourelles (120 morts). De là, c’est de nouveau la descente.


À l’entrée du village, la pancarte de Tzig’Ane, la ferme de Pascaline, qui a entrepris avec Barbara Huntziker et Claude Brand d’organiser la randonnée d’octobre à Genève avec des ânes. Malheureusement, je devrais retourner deux kilomètres et demi sur mes pas, pour peut-être même ne pas la rencontrer. C’est bon pour aujourd’hui. Au lieu de ça, je traverse le village en passant sur le Roubion. Une légende raconte que les seigneurs de Bourdeaux et de Soyans se battirent en duel pour la main d’une jeune fille et que la rivière était tellement pleine de sang qu’on l’appela le « rouge-bion ».
Ensuite, le temple de Bourdeaux, malheureusement fermé. À l'origine, le Grand temple était une construction  destinée au culte catholique. Commencé vers 1710, l'Église ne fût jamais achevée. Vendue comme bien national en l'an VI, les protestants de Bourdeaux l'achetèrent en 1806. À l'intérieur, les très belles boiseries, chaire et tribunes sont l'oeuvre d'un artiste local, Laurent Borne. La simplicité de l'édifice confère une beauté austère au plus grand temple de la Drôme.  Puis direction la vieille ville, la « Vialle », là-haut sur le versant de la montagne, où je pique-nique sous un immense noyer, avec vue magnifique sur le village et sa région.


Tout ragaillardi, je continue mon ascension vers les ruines de l’ancien château fort, en si piteux état que la commune a cru bon de mettre partout des pancartes déclinant toute responsabilité pour les chutes de morceaux de muraille. Retour au village, petite sieste dans le jardin, au bord de la piscine. Ensuite j’écris une douzaine de cartes postales au bistrot, j’essaie de joindre Johannes Melsen par téléphone, puis encore une heure et demie près de la piscine avec le chien Whisky…
Dîner dans le jardin, de nouveau au sein du cercle familial, avec une caillette fabriquée maison, du poulet cuit au wok avec champignons et légumes, des fraises et des cerises à volonté. Aujourd’hui, pas de discussions jusque tard dans la nuit, car demain un gros morceau de bravoure m’attend : la marche vers les Trois Becs, à 1 050 mètres d’altitude, avec un dénivelé cumulé de 815 mètres.

Mercredi 15/06/2011
Une petite pensée pour Taradeau il y a un an : la catastrophe des inondations. Signature dans le livre d’or de la maison, puis départ à 9 h 15. À la sortie de Bourdeaux, une voiture s’arrête brusquement, la porte s’ouvre : « Vous n’êtes pas par hasard Jochen Sicars ? » Oui ! C’est Johannes Melsen, qui a trouvé mon message sur son portable. J'ai vraiment l'air si « Allemand » ? Lui est un géant très sympathique de près de deux mètres de haut. Nous convenons de nous voir le lendemain soir à la fin de ma randonnée, si toutefois je ne suis pas encore complètement mort. Soit à Dieulefit soit chez lui et sa femme, à Le Poët-Célard pour le dîner. À partir de maintenant, le chemin n’en finit plus de monter, de 400 m à Bourdeaux jusqu’au but de ma prochaine étape, au Col de la Chaudière à 1 050 m d’altitude. Avec des petites descentes, mais qui remontent aussitôt de plus belle. Près du Grand Villard, je perds quelque temps à écouter les explications d’un habitant du lieu qui veut m’envoyer dans la mauvaise direction, à l’opposé de mon plan. Devant le hameau de Rastel, comme annoncé par précaution par l’agence Safran, je suis accueilli par le vacarme infernal d’une meute de chiens de chasse, qui pourraient bien inquiéter plus d'un individu plus peureux. En fait, ils sont attachés.


Nouvelle montée vers la ferme de LA FONDERESSE. Hésitation parce que la suite de mon parcours n’est sûre qu’une fois trouvé le poteau avec les panneaux directionels, loin derrière, dans le champ. Le chemin continue sur des pistes étroites, le paysage n’est plus composé pratiquement que de versants couverts d’éboulis, à gauche vers le haut, à droite vers le bas, entre les deux un chemin d’un pied de large. Les branches des genêts me griffent les jambes. Déjeuner sous les buissons d'églantines, un couple qui arrive à ma rencontre prend peur lorsqu’il bute sur mes pieds...






Ci-contre l’un de ces poteaux typiques, avec les panneaux directionnels du Sentier des Huguenots.
Encore une barrière à bétail à traverser, puis un chemin qui descend, traverse la vallée d’une rivière, longeant des prés où paissent des vaches (est-ce qu’elles hochent la tête à cause des mouches ou à la vue du fou qui veut attaquer à cette heure le Col du Gourdon ?), un chemin qui exige pas mal d’efforts du randonneur, car entre-temps, le soleil est au zénith et le sac à dos colle à la peau nue de mon dos. Pour la première fois de mon circuit, je dois m’arrêter pour boire pendant les deux douzaines de zigzags ou plus qui forment la route. Encore une barrière, puis c’est l’arrivée au point culminant de ma rando du jour. De là, je vois déjà nettement deux des crêtes des Trois Becs.


Une route bitumée, mon guide recommande de prendre plutôt le chemin qui bifurque vers la gauche et qui mène à une particularité de la région : les « marnes », sortes de roches sableuses sombres aux couleurs de schiste qui affleurent ça et là entre deux couches de calcaire. Autrefois utilisée dans la construction, la marne s’avéra pourtant manquer de dureté et de résistance. Un paysage lunaire désertique m’entoure, la marche à travers ces montagnes sableuses pleines de bosses n’est pas des plus simples. Au bout du sentier, je retrouve la route bitumée, jusqu’à ce que la prochaine pancarte me recommande un chemin de terre bifurquant à droite.
En contrebas, voici La Chaudière, un petit village au bout du monde.


Dans le petit restaurant récemment ouvert, je commence par me laver le torse à l’eau glacée. Bien que j’aie marché torse nu, je suis trempé de sueur. Apparemment habitués à une clientèle de randonneurs dans mon état, le propriétaire des lieux a préparé une pile de serviettes de toilette. Deux panachés s’engouffrent sans peine dans mon gosier assoiffé, et le monde reprend forme. Donc, je me remets en route, pour les deux derniers kilomètres qui me conduiront à mon logement de ce jour, « L'Arche des 3 Becs ». À droite et à gauche de la route, des prairies en fleur, un véritable paysage alpin.

Carte IGN de SAFRAN : en rouge = montée, en bleu = descente

Qu’est-ce que ce sera plus loin en haut, dans le Vercors, où le sentier serpente à travers un paysage rocheux et escarpé ? Hors sujet pour moi de toute façon : les versants y sont en partie tellement escarpés que j’ai plutôt intérêt à les éviter, moi qui suis sujet au vertige. Mais je continue, je vais bientôt arriver à mon but. FAUX ! RATÉ ! Tout d’un coup, mon plan a disparu. Je cherche dans toutes mes poches, rien. Je reviens sur mes pas, les yeux rivés sur le chemin pendant deux kilomètres. Rien. Dans le village non plus, ni au restaurant. Après une nouvelle recherche approfondie, je la retrouve enfin dans la poche arrière de mon pantalon MN. Retour ensuite sur 2 km – pour aujourd’hui, j’en suis donc à 20 km.

 
Les 3 Becs


Sur la droite, un chemin étroit, le « sentier des ânes » et en bas, très pittoresquement nichée dans la nature, ma destination, un ensemble de vieux bâtiments de ferme, restaurés avec amour. Sur la gauche, au-dessus de moi, la masse menaçante des Trois Becs, énormes crêtes rocheuses qui dominent tout le paysage. Les derniers mètres, puis en bas, l’accueil chaleureux des jeunes gens qui ont repris ce complexe il y a seulement deux ans. ET UNE FÊTE D’ANNIVERSAIRE AVEC PLEIN D’ENFANTS et des cris perçants dans la piscine couverte. Donc, primo direction la douche à titre de compensation et repos sur le lit dans la chambre joliment décorée. Réveillé par l’appel du soir de Françoise, j’aurais presque loupé le dîner. Longue table avec d’autres clients, discussions animées (l’un d’entre eux parle allemand, il vient d’organiser une exposition à Montélimar sur les îlots Halligen, dans le nord de l’Allemagne ! Hilarité générale lorsque, en racontant mon déjeuner à Bourdeaux, je dis avoir commandé un « croque-mort », au lieu de dire un « croque-monsieur ». Le repas est plein de bonnes idées, BIO bien entendu, avec dégustation de diverses boissons alcooliques maison. Tout est bien, tout simplement. Au lit à 22 h 30, demain, la journée sera de nouveau rude.







La chambre de l'Arche des 3 Becs


Jeudi 16/06/2011
Malgré les mauvaises prévisions météo, le soleil brille. Excellent petit déjeuner, pain et confiture naturellement fabriqués maison. Peu à peu, les autres émergent, tous des couples de voyageurs qui prolongent leur week-end. Ceux qui s’attendent à rencontrer sans cesse des pèlerins protestants ou même des randonneurs, se trompent sur toute la ligne. On est bien avisé donc de se munir, au cas où, d’un portable en état de fonctionner, que l’on aura sagement rechargé la veille au soir. Mais la route m'appelle. Retour direction La Chaudière, puis traversée de la forêt domaniale de la Roanne, toujours en légère pente descendante, ici encore sur des sentiers muletiers étroits qui serpentent le long des roches plissées. Je peux apercevoir encore longtemps mes derniers quartiers. Comme partout, je suis entouré par le gazouillis des oiseaux ; la région est sans doute trop à l’écart pour les chasseurs, qui certainement ici aussi sont à l’affût des grives et des ortolans. De nouveau la montée. Au Col du Perrier, j’atteins le point culminant de ma randonnée matinale, soit 850 mètres.


Par un chemin parsemé de galets, plutôt le lit d’une rivière, c’est la redescente, mais seulement une demi-heure plus tard, le chemin revient à la même altitude.






Après une piste en zigzag presque sans fin, j’atteins Saint-Benoît en Diois à midi. Silence de mort. Un fauteuil débraillé avec parasol gît au milieu d’un petit groupe de maisons.
En arrivant, la vue que l'on a sur ce village posé sur l'arrête d'un éperon rocheux est un spectacle merveilleux. Sa position de vigie à l'entrée des gorges de la moyenne vallée en fait, dès l'origine, un poste d'observation et de défense. Ses habitants se sont très longtemps plaints de la stérilité du sol, qui ne leur permettait pas de manger "autre chose que des pommes de terre".Cette pauvreté du sol a depuis été mise au profit de la culture de la vigne Clairette de Die. L'église et le site sont classés à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques



Je monte, suivi par un gros chien qui cherche apparemment une distraction et qui s’installe avec moi sur les marches de la petite église. Pique-nique et eau, idem pour le chien, puis je prends définitivement la décision qui sourd en moi depuis ce matin : ne pas passer le « Pas de la Pousterie » dans la chaleur de midi, mais faire les 11 km de l’extérieur, par la route départementale. Je risquerais sinon de rater le taxi qui doit me ramener à Dieulefit, ce qui pourrait également remettre en question ma soirée avec Johannes Melsen.
Donc, la route départementale, longeant les gorges profondes de la Roanne, qui va se jeter dans la Drôme à quelques kilomètres de là. Ici, forêt de pins et virage après virage, descente dans la plaine où la route bifurque vers Aurel. La comptine du randonneur me revient à l’esprit et m’accompagne une partie du chemin :

Vingt kilomètr’à pied, ça use, ça use,
Vingt kilomètr’à pied, ça use les souliers.
Vingt kilomètr’à pied …

Petite sieste sur un tas de poteaux télégraphiques qu’un garde-champêtre aux petits soins a sans doute préparé là exprès pour moi. Reposé, je reprends la route. Juste avant Aurel commence la région viticole où l’on fait le vin pétillant « Clairette de Die », connu dans toute la France. Je décide d’en emporter quelques bouteilles demain pour y goûter. Lorsque j’arrive à Aurel, les premières gouttes de pluie tombent.



Avec un peu de peine, je prends tout de même le chemin qui monte au village, perché en haut d’un piton rocheux. En pure perte : hormis quelques beaux panoramas, Aurel est un village mort, pas de bistrot, pas de restaurant, rien. Un ouvrier solitaire devant la mairie me montre le chemin pour aller au camping à 500 m de là (après mes 22 km déjà parcourus) où je peux enfin avoir mon thé et un panaché en rab. L'orage est maintenant là et il pleut des cordes. J'appelle mon taxi et je me fais conduire au nouveau rendez-vous. L'itinéraire passe par les Trois Becs pour aller chercher mes bagages, ensuite par des routes étroites à donner le vertige, avec des tournants abrupts sans visibilité – pas exactement le goût de Jochen Sicars. Le chauffeur de taxi, cool et décontracté, conduit d’une main experte, me montrant des choses intéressantes à droite et à gauche, alors que je préfèrerais garder les yeux fixés sur la route... Mais il conduit bien et finalement, la conversation me distrait. Vers 18 heures, nous sommes de nouveau arrivés à ma station du premier jour à Dieulefit. Appel chez Johannes Melsen, OK pour le dîner ce soir.

Après une douche abondante, je suis de nouveau sur la route qui mène à Le Poët-Célard et le GPS fait son travail. Une ferme au bout d’un long chemin étroit, une place cahoteuse à demi-inondée devant la maison (des souvenirs de la ferme d’Astrid et d’Andreas en Allemagne du Nord et de leur mode de vie alternatif me reviennent tout à coup). Personne ne se montre. La famille est rassemblée dans la maison. Barbara Huntziker me reçoit comme si j’étais une vieille connaissance, l’ami Éric de Suisse, également l'un de ceux qui avaient accueilli le groupe de randonneurs avec les ânes à Genève en octobre, vient d'arriver avec son minibus VW. Le géant Johannes apparaît alors et soudain, sa présence emplit la pièce. Nous sommes tout de suite en grande discussion, tandis que Barbara, sans réfléchir longtemps, nous concocte un ragoût d'agneau aux tagliatelles, qu'elle accompagne du vin rouge que j'ai apporté. Salade, fromage (dont le Picardon, très prisé dans le coin) complètent le repas. Très vite, nous en sommes au tutoiement. J’apprends aussi que Johannes n’est pas, comme je l’avais cru, un pasteur protestant, mais qu’au contraire, il a été élevé chez les Jésuites. Il est donc catholique et se consacre à l’écriture et à la mise en scène de pièces de théâtre, activité pour laquelle il est sans cesse en déplacement. À ma question de savoir ce qui l’a conduit sur le chemin des Huguenots, sa réponse est sobre et la même que la mienne : parce qu’il aime l’histoire et qu’il s’intéresse aux minorités et aux gens qui défendent leurs idées. Il me fait cadeau d’un petit livre qu’il a écrit sur la fuite désespérée d’un Huguenot à Genève à la fin du XVIIe siècle et un carreau de faïence réalisé par Barbara orné du « petit bonhomme » un méreau, symbole du Sentier Sur les Pas des Huguenots.

Barbara, qui est une céramiste très talentueuse tant sur le plan technique qu’artistique, me montre son atelier et son expo. Il est déjà presque minuit et le brouillard tombé soudainement me fera mettre plus d'une demi-heure pour faire les malheureux 16 km qui me séparent de Dieulefit, sur une route sinueuse dont le tracé disparaît sans cesse et où j’aurais mis une demi-heure de plus sans mon GPS, faute de panneaux de signalisation visibles. Vers 0 h 30, mon lit, enfin.


Voilà pour ce qui était du Sentier des Huguenots en France. Ce fut d’abord un challenge pour quelqu’un qui voulait se prouver à 75 ans de quoi il était encore capable, même six semaines après s’être fait une déchirure lombaire en soulevant une remorque chargée... La randonnée était, il est vrai, déjà réservée et payée depuis des mois. Et puis, avec le recul, ce fut une aventure fantastique que de marcher seul à travers ce paysage grandiose, de rencontrer d'autres gens qui s'intéressent aux mêmes choses ou à des choses analogues et de constater que l'on peut réellement accomplir de tels trajets à condition de s'entraîner quelque peu régulièrement. Dès le troisième jour, je n’ai plus ressenti ni courbatures ni douleurs et l’ampoule au bout de l’un de mes gros orteils, dont je n’ai remarqué la présence que le lendemain, n’était que le résultat de chaussures trop petites ou mal lacées.

Une page du guide de l’agence de voyage SAFRAN

Adresses utiles:

Safran-Tours (F)

Vercors Escapade (D+F)

Tzig'Âne - Pascaline
barbara.hunziker@free.fr                                          

Diois-Tourisme

Le site italien





2 commentaires:

  1. Ich möchte, dass die Welt einen großartigen Mann kennt, der als DR. WEALTHY bekannt ist. Er hat die perfekte Lösung für Beziehungs- und Eheprobleme. Der Hauptgrund, warum ich zu DR.WEALTHY gegangen bin, war die Lösung, wie ich meinen Mann zurückbekommen kann, weil ich in letzter Zeit einige Zeugnisse im Internet gelesen habe, die einige Leute über DR.WEALTHY geschrieben haben, und ich war so zufrieden und habe mich entschieden Ich bat ihn um Hilfe in seiner E-Mail (wealthylovespell@gmail.com), die er perfekt gemacht hat, indem er meinen Mann verzauberte, der ihn dazu brachte, zu mir zurückzukehren und um Vergebung zu bitten. Ich werde nicht aufhören, seinen Namen zu veröffentlichen das Netz wegen der guten Arbeit, die er leistet. Ich werde seinen Kontakt für die Nützlichkeit derer, die seine Hilfe benötigen, fallen lassen. Seine E-Mail DR.WEALTHY "KONTAKTIEREN Sie per E-Mail: wealthylovespell@gmail.com oder whatsapp ihn +2348105150446?

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  2. Freunde da draußen, hier ist eine Person, von der ich weiß, dass Sie eine konkrete private Diskussion führen und Ihr Liebesleben neu einrichten können. Diese Person ist der immer zuverlässige Doktor Egwali, ein Zauberkundiger, der seinen Zauber einsetzte, um das Leben so vieler Menschen zu verändern, die ich heute kenne. Sie nennen es einfach Liebeszauber, Karrierestreben, Gesundheitsprobleme, was auch immer der Fall ist, Reinigungen, er ist pünktlich, um sich ohne zu zögern um Sie zu kümmern. Mein Fall war vor meinem Treffen mit ihm ziemlich hässlich, und der Rest war Geschichte. Sie können ihn über jedes dieser Medien kontaktieren
    WhatsApp / Viber +2348122948392
    Mail: dregwalispellbinder@gmail.com
    Mache eine private Session mit ihm und sei wieder glücklich.
    Alles Gute !!

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