Texte original: Jochen Sicars / Traduction Françoise Sicars
Du Col de Menée à Laffrey
Après
le plaisir accru éprouvé l’année dernière lorsque nous avons enfilé nos
galoches de randonneur pour prendre à deux le sentier des Huguenots, l'attente
de la suite en 2013 a été encore plus difficile. Demandée dès janvier, la
proposition de circuit s’est fait attendre tout de même jusqu’en mai parce que
SAFRANtours n’avait pas encore fait de reconnaissance d’itinéraire au-delà du
Col de Menée. Ajouté à cela un hiver long et rude, qui avait rendu impraticable
bon nombre de chemins. C’était peut-être bien ainsi, car pour me rapprocher de
ce sentier, j’avais entre-temps déménagé du Var dans la Drôme, et déménagement
et installation dans la nouvelle maison de Dieulefit m’avaient coûté non
seulement des forces, mais fait perdre aussi quelque six kilos, sans compter la
suppression de la randonnée pendant cette période. Il était donc grand temps de
s’y préparer. Mon ami Rainer et moi avions prévu de poursuivre la route
empruntée jusque-là et d’aller du Col de Menée à Laffrey, à
l’extrémité du lac homonyme, dans le département de l’Isère. Enfin le 11 juin
arriva. Rainer était venu de Suisse trois jours auparavant et on pouvait y
aller.
* Rappelons
brièvement après les précédents articles publiés qu’avec le forfait de
SAFRANtours, nous ne sommes pas obligés de transporter nous-mêmes tous nos
bagages ; ils sont transportés pour nous d’une auberge à l’autre. Ce
forfait inclut également un carnet de voyage complet, avec livret de route
détaillé, cartes au 1/25000e, liste des hébergements et cette année,
une pochette imperméable pour les cartes en cadeau.
Mardi
11/06/2013 – Soleil et nuages
Arrivée
sur place, rando Col de Menée - Le Percy, 7 km, dénivelé de 880 m à 1500 m,
cumulé 810 m
Départ
à 9 heures, rendez-vous d'abord à la pharmacie. Rainer a un orteil très enflé
et bien rouge, qui le préoccupe déjà depuis plusieurs jours. Après un bref
examen, la sentence impitoyable du pharmacien tombe : « crise de
goutte », une manifestation due aux excès de la table et de la bouteille,
pense-t-il ! Il recommande de consulter immédiatement le médecin pour
qu'il nous conseille sur la suite à donner à notre projet... Même constatation
du docteur et même verdict : « non, aucune chance de faire une telle
randonnée ».
Le
choc nous fait d’abord l’effet d’une douche froide : 365 jours de
préparation et de joie anticipée en pure perte. C'est alors que je me remémore
le livre de Hape Kerkeling (humoriste et acteur allemand) où il décrit de
manière si amusante et si originale sa randonnée sur le chemin de Saint-Jacques
de Compostelle. Lui n’avait aucun problème à prendre de temps en temps le bus
en cas de fatigue pour franchir un tronçon de son itinéraire. Nous décidons
d’utiliser les hébergements réservés au pire des cas en maisons de vacances et
d'aller, comme prévu, d’un hébergement à l’autre au fil des jours.
Allons-y
pour la voiture. Après nous être procurés les médicaments prescrits, nous
partons donc comme prévu. Nous arrivons vers midi au Percy, où nous sommes
accueillis le plus aimablement du monde par Madame Fumat aux « Volets
Bleus », une ancienne ferme restaurée proposant chambres et tables
d’hôtes.
Pendant que nous déjeunons dans un petit bistrot* du village voisin de Clelles, je reçois un appel de Sandy D., journaliste à France Inter, que mon ami Johannes Melsen nous envoie. En juillet, elle veut faire une série de reportages sur des circuits de randonnée en France, entre autres sur le sentier des Huguenots, et veut les émailler de « voix enregistrées sur place ». Elle arrive un peu plus tard, mais cela devrait suffire pour faire un petit circuit de 7 km du Col de Menée vers Le Percy.
Une
heure plus tard, Rainer nous a déposé tous deux en haut, près du tunnel du col,
à 1 500 m d’altitude, et retourne à notre chambre d’hôtes. Sandy et moi
prenons le chemin qui mène à la croix du sommet. Un sentier escarpé et détrempé
par les dernières pluies qui, au bout d'une escalade de 500 m, s’avère ne
pas être le bon – deux pas en avant, un en arrière, avec plus de gémissements essoufflés
dans le micro que de commentaires sur le sujet. Nous aurions dû prendre le
chemin vers les hauteurs à cent mètres devant le tunnel, mais les cartes ne
l’indiquaient pas, malheureusement.
Finalement,
nous trouvons la croix au sommet, avec son panorama à couper le souffle, vers
l'arrière sur le Diois et de l’autre
côté sur le Trièves. Le reportage suit
son cours et après quelques photos, nous entamons la descente, garnie d'un jeu
de questions-réponses sur l'histoire des Huguenots, celle du sentier et sur ce
qui nous motive à suivre ce chemin.
Trois
heures plus tard, après deux autres problèmes rencontrés dans le descriptif du
chemin, nous sommes de retour dans la vallée. Sandy court vers son prochain
rendez-vous.
Après
nous être installés dans nos très jolies chambres et avoir passé une heure au
soleil dans le jardin pour nous préparer à nos « vacances forcées »,
Rainer et moi savourons un dîner copieux avec des spécialités locales. Après
l’apéritif, on nous sert des asperges vertes à la sauce mousseline, des pâtes
de Trièves avec du « murçon », un saucisson cuit aromatisé au carvi
et au fenouil. Le tout accompagné de vin du Gers, pays d’origine de notre
hôtesse, et couronné par une délicieuse tarte Tatin bien caramélisée. Il
n’y a donc pas que la randonnée qui a du bon…
*
L’origine du mot bistro (ou bistrot) est discutée. Selon une certaine croyance
populaire, il dériverait du mot russe bistro, qui veut dire « vite »
et daterait de l'occupation russe après la bataille de Paris en 1814. Les
soldats n’ayant pas le droit de boire en service et craignant de se faire
surprendre, auraient appelé les cafetiers en criant « vite, vite »
(bistro, bistro). Selon certains linguistes cette étymologie doit être écartée pour
des raisons chronologiques. La première attestation du mot date en effet de
1884. (Source : wikipedia.org).
Mercredi
12/06/2013 - Soleil et nuages
Le
Percy - Mens – 18,5 km, dénivelé de 679 m à 866 m, cumulé 631 m
Je
suis debout à sept heures, à huit heures nous prenons notre petit-déjeuner.
Quelque chose fait que notre nouveau « plan de route » ne tient pas
encore la route justement... Mais d’abord, Madame Fumat nous gâte encore une
fois avec une abondance de pains de campagne, baguette, biscottes et brioches, le
tout garni de trois sortes de confitures, de miel et de beurre. Prudemment,
Rainer avance une éventualité : « on pourrait peut-être essayer –
enfin je dis ça comme ça – en ne faisant que 5 kilomètres, pour voir si ça va
quand même... ».
Après
avoir échangé quelques pour et contre, nous nous retrouvons sur le chemin. La
voiture reste au Percy. En cas de catastrophe, notre hôtesse viendra nous chercher
à l’un des endroits convenus où le sentier croise la départementale. Au bout de
5 km : rien. Au bout de 10 km : aucune douleur ! ??? Nous
continuons notre marche pleins d’entrain et remarquons bientôt que le pays tout
en haut du Col de Menée qui semblait être une plaine ne l'est pas du tout. Des
rivières plus ou moins importantes ont creusé dans le plateau des sillons profonds
qui déterminent le cours des routes et des chemins. Le paysage du Trièves est
dominé par le vert. Alors que la neige le recouvrait encore complètement au
mois de mai, le printemps a maintenant repris ses droits. Les buissons et les
prairies fleurissent et notre chemin se faufile à travers cette splendeur. Des
petites passerelles enjambent ça et là le cours encore puissant des eaux et des
ponts parfois imposants empêchent que les routes départementales descendent trop
en lacets dans les vallées fluviales. Déjeuner pique-nique sur un banc le long du chemin. Nos chemises et nos vestes mouillées de sueur sèchent au soleil. Puis nous repartons en empruntant des chemins creux, des sentiers muletiers étroits et, de temps à autre, de courts tronçons de route asphaltée
Devant nous, dans la brume du soir, se dresse la montagne
que l'on appelle populairement « Le Bonnet de Calvin » et qui doit
son nom à la forme du chapeau du réformateur français.
Derrière,
il y a « l’Obiou », point culminant du massif du Dévoluy.
Ces deux montagnes seront nos guides aujourd’hui. Si l’on regarde de temps en
temps en arrière, vers l’est, on a toujours devant les yeux la chaîne de montagnes du Vercors, plus de 2 500 m d’altitude, d’où émerge le
fameux Mont Aiguille comme une incisive mal implantée.
Jusqu’à
maintenant, la randonnée n’a occasionné absolument aucune douleur à Rainer et
au bout de 18,5 km, nous atteignons notre but d’aujourd’hui, le Gîte de
Préfaucon, un peu à l’écart de Mens. Ici aussi, accueil très
aimable ; ici encore – comme hier – nous sommes les seuls clients. L’hiver
interminable a déclenché de nombreuses annulations et entraîné des pertes
considérables pour ces chambres d’hôtes,
qui ne sont en général pas situées aux bords des routes.
Nous
nous installons dans la chambre de notre choix (un an seulement après la
reprise de cette auberge, les chambres attendent encore d’être un peu
rénovées), puis, devant un délicieux jus de pomme nature fait maison, nous
pouvons encore profiter quelques heures du soleil avant que Madame Albert ne
nous appelle pour le dîner. Comme on nous l’explique, le département de l’Isère est le deuxième département
« bio » français après la Drôme,
et ses produits sont connus loin à la ronde. Vin d’orange à l'apéritif, salade
verte du jardin, ragoût de porc et riz, et en dessert, de la compote de
rhubarbe – une fois encore du jardin, où s’ébattent aussi des poules et des
oies. Au loin, on entend les cloches des troupeaux de moutons dans les
pâturages...
Il
est temps d’aller dormir, demain plus de 22 km nous attendent, avec montées et
descentes à foison.
Jeudi
13/06/2013 – Soleil, 30° le midi, plus tard nuageux
Mens
- La Mure – 22,5 km, dénivelé de 866 m à 1060 m, cumulé 880 m
Madame
Albert m’a proposé un changement de route en alternative de celle de SAFRAN :
le Chemin des Philosophes. Il commence au bout de deux kilomètres de route
départementale environ, en haut de la colline, et son tracé est parallèle au
lotissement traversé hier. Flanqué des deux côtés de hautes haies qui se rejoignent
au-dessus du chemin – une protection d’ores et déjà agréable contre le soleil
qui s’annonce généreux aujourd’hui. Un panneau d’information sur le bord du
chemin donne des explications sur le massif du Devoluy et sur l’Obiou (ce
nom viendrait du provençal Testo de biou,
tête de bœuf, et évoque effectivement bien la forme du sommet) et un autre sur
les formations géologiques de cette région. Au bout d’un quart d’heure,
j'atteins l’une des rues du village de Mens,
qui mène directement au centre. Rainer est déjà là, la voiture est au parking.
Donc, allons-y !
Mais
Mens vaut la peine d’être visité. La halle (malheureusement, aujourd’hui
il n’y a pas de marché), les toits pentus à deux croupes et à croupettes, avec
leurs génoises en saillie, les rangées de tuiles plates ressemblant à des écailles
de poisson ou les lucarnes en avancée sur les pignons des maisons, appelées « engrangeous »
et équipées d’un système de poulie qui servait autrefois à monter la paille
dans le grenier (tous les ans, le 15 août, la Fête du Bourras organise un
concours pour savoir qui sera le plus rapide à hisser le drap (bourras) rempli de graines dans les engrangeous. Mais Mens est surtout
marquée par son rôle pendant la Réforme, qui lui a valu le nom de « Petite
Genève des Alpes ».
Lorsque Calvin et Luther prêchent la réforme de l’Église au XVIe siècle, leur appel trouve un écho particulièrement fort en Trièves et notamment à Mens. Grâce à la présence du connétable Lesdiguières, Mens devient vite une place forte du protestantisme et assure une paix relative dans la région jusqu'à la fin des Guerres de religion en 1589. Les maisons de riches commerçants et artisans témoignent aujourd’hui encore de cette époque.
Nous
nous mettons en route vers Saint-Jean d’Hérans, à quelque 11 km de là. Non loin
de Mens, le chemin monte dur vers une croupe boisée ; dans le carnet de
route, sous le « repère C », la hauteur indiquée est de 1 060 m
et on nous conseille d’ignorer un chemin prenant à droite (que nous ne pouvons d’ailleurs
pas trouver).
L’altitude
indiquée, par contre, ne peut être atteinte qu’après avoir continué la montée
par un chemin prenant à gauche. À l’arrivée en haut, il s’avère que nous
aurions mieux fait de prendre le chemin entre les deux... Une situation un peu
confuse. Comme la carte affirme qu'il y a une autre descente en alternative,
nous la prenons et après la marche qui suit sur la D 526, nous arrivons à
Saint-Jean vers midi. Le village somnole sous la chaleur de midi, aucune ombre
pour faire notre pique-nique. Nous continuons donc notre chemin en prenant la D
526 en alternance avec des chemins qui suivent la route ou d’autres qui en
coupent les lacets. Vers 13 heures, nous arrivons au Pont de Cognet, un pont sur le Drac.
Ici, dans le ravin, la chaleur s’accumule, mais avant d’entreprendre la montée
des lacets raides de l’autre côté, nous attaquons d’abord le pique-nique plus
que copieux qu’a préparé pour nous notre hôtesse de Mens. Le Drac sert de
frontière entre les régions du Trièves et de la Matheysine et autrefois, il constituait
souvent une barrière entre les deux populations. Pendant les Guerres de
religion, il existait un pont plus en amont, mais il était sans cesse la proie
des intempéries et fut surtout plusieurs fois détruit par des faits de guerre
et reconstruit. Jusqu’à ce que le connétable Lesdiguières en ait assez et fasse
reconstruire un pont de remplacement à l’endroit actuel.
Après
avoir savouré notre déjeuner et puisé de nouvelles forces, nous grimpons dans
la Matheysine. Au milieu des lacets de la montée, juste avant d’atteindre Cognet, nous tombons sur tout un peloton
de coureurs cyclistes qui descendent la route à une vitesse vertigineuse (nous
les retrouverons le soir à l’hôtel de La
Mure discutant du risque qu’il y avait à être facilement déporté du virage).
Du coup, nous avons raté la Chapelle de Cognet, perchée tout en haut d’un rocher au-dessus du Drac. Au lieu d’y retourner, nous préférons nous asperger la tête et les bras d’eau glacée au lavoir décoré de fleurs, en plein milieu du hameau.
Du coup, nous avons raté la Chapelle de Cognet, perchée tout en haut d’un rocher au-dessus du Drac. Au lieu d’y retourner, nous préférons nous asperger la tête et les bras d’eau glacée au lavoir décoré de fleurs, en plein milieu du hameau.
Nous
avons entre-temps retrouvé le haut-plateau et le paysage a changé : les
prés et les champs sont cernés par des levées de terre plantées de haies. Ces
« bocages » freinent l'érosion et sont profitables à l’agriculture
écologique (elles empêchent aussi de voir se disséminer les graines portées par
le vent des agriculteurs voisins qui ne pratiqueraient pas l'agriculture écologique).
Je connais ce type d'enclos de haies de mes déplacements professionnels en
Frise orientale (Allemagne) où ils coupent la force du vent omniprésent.
Une
fois encore, les toits ont changé d'apparence : après les tuiles du
Trièves posées comme des écailles, ce sont maintenant des carreaux plats en
matériaux divers, posés sur la pointe.
Arrivés
à La Mure, nous traversons pendant un certain temps les quartiers
périphériques, puis à gauche, voici l’hôtel
Logis Murtel et tandis qu’une première petite bière bien fraîche s’évapore
presque sur ma langue, Rainer est déjà reparti à Mens pour transférer sa
voiture une étape plus loin.
Il
est de retour juste après sept heures, soulagé de ne pas avoir trouvé de PV sur
sa voiture, qu’il avait inconsciemment garée dans une zone bleue (maximum 3/4
d'heures de parking selon la police). Le serveur avec qui je me suis entretenu
un moment tout à l'heure, prend un air presque conspirateur pour nous accorder
la meilleure place à la fenêtre et nous recommande un feuilleté aux fruits de
mer et un ragoût de bœuf à la provençale – dessert à la carte. Dehors, sur la
terrasse, les cyclistes venus d’Alsace repassent en revue leur circuit de la
journée. Quelques-uns viennent seulement d’arriver, sous les quolibets
habituels. Demain, ils repartiront pour une nouvelle boucle et ainsi de suite
tout au long de la semaine.
Vendredi
14/06/2013 – Ciel couvert, soleil l’après-midi
La
Mure - Laffrey – 16 + 4 km, dénivelé de 875 m à 1 144 m, cumulé 395 m
À
8 h 30, nous sommes de nouveau prêts à partir. Comme il n’y a que 16
km d’ici à Laffrey, nous avons tout notre temps et décidons d’aller d’abord
visiter le musée matheysin. Malheureusement, le bâtiment devant lequel nous
avons vu le panneau signalant le musée n’était pas le bon et nous sommes
obligés de faire presque complètement demi-tour pour revenir au village – et
ensuite constater que le musée est fermé.
Nous
reprenons notre route. Après une petite montée en pente raide, nous atteignons
« Les 3 Croix », érigées à l’emplacement d’un calvaire, un lieu riche
en histoire. Connu depuis les temps préhistoriques, croisée des chemins à
l'époque gallo-romaine et citadelle au temps du connétable protestant
Lesdiguières, il fut le lieu d’une tragédie lorsque plus de 9 000
catholiques assiégèrent La Mure sous le commandement de leur capitaine de guerre
Charles de Lorraine, duc de Mayenne. Réfugiés dans la citadelle, les 300
survivants des quelques 1 200 catholiques qui s’étaient enfuis, durent
finalement se rendre à cause du manque de vivres et d’eau. La citadelle fut
détruite et remplacée par une chapelle. Ce n’est qu’au XIXe siècle,
que le calvaire des Trois Croix fut érigé sur l’emplacement de la citadelle.
Notre
chemin prend aujourd’hui une direction nord et nous mène presque en ligne
droite aux trois lacs, le Lac de Pierre-Châtel, le Lac de Pétichet et
enfin Grand Lac de Laffrey, en suivant dans sa partie centrale le GR du Tour
du Valbonnais-Beaumont. Malgré la différence d’altitude (qui passe de 875 m
à 1 035 m), la marche nous y semble nettement plus facile que sur le
chemin de la veille. Nous marchons d'abord quelques kilomètres à travers des
champs sans arbres ni buissons, savourant pleinement le soleil déjà haut. Puis,
à la hauteur du deuxième lac, nous passons devant quelques panneaux
d'information qui ont beaucoup à dire sur les trois lacs et sur l'origine de la
formation géologique. Impossible par contre de vérifier les indications
fournies sur certains points, car depuis la mise en place des panneaux, les
arbres ont poussé et cachent, sans doute depuis longtemps, toute la vue en
direction du lac.
Nous
nous arrêtons au bord d’une prairie parsemée de fleurs d’où on peut encore voir
ce panorama et entamons notre dernier pique-nique de cette semaine de
randonnée. Nous y rencontrons pour la première fois quelques randonneurs, mais
tous apparemment venus des alentours. Il faudra sans doute encore quelques
années avant que le Sentier des Huguenots ne fasse son entrée dans la cour des
« grands ». Pourtant, le directeur de l’hôtel de La Mure nous a dit avoir déjà quelques réservations, ce que
confirmera également dans le même sens plus tard l’hôtel de Laffrey.
À
l’entrée de Cholonge, nous tournons direction est, suivons d’abord la D
115a, puis un chemin parallèle en forêt. Nous arrivons dès 14 heures à l’hôtel Logis du Grand Lac. Emplacement
idéal, au fin fond du lac, d’où on peut l’embrasser du regard sur presque toute
sa longueur.
Les
tables et chaises vides attendent les clients. Sur le bord du lac, eux aussi
dans l’expectative, deux douzaines de pédalos se balancent sur un lac lisse
comme un miroir dans la chaleur de midi. Une petite bande de jeunes peine à se
décider entre un bain de soleil ou peut-être un peu de foot. Finalement, ils
font les deux et les joueurs de foot ne se privent pas de taper « sans le
faire exprès » sur ceux qui ont choisi le bain de soleil...
À
l’hôtel, nous signalons notre présence. Une vieille dame nous accueille,
presque comme soulagée que nous soyons réellement arrivés. Comme dans les
autres hébergements, nous sommes ici, en Isère, les premiers randonneurs qui
voyagent avec SAFRANtours.
Nous
nous installons dans nos chambres et un peu plus tard, nous nous retrouvons en
bas, au bord du lac, d'où nous apercevons un restaurant touristique à quelques
mètres de là. Peu de temps après, nous y sommes assis devant une petite bière
fraîche et savourons le panorama. Surtout la vue sur le petit port de plaisance
avec ses voiliers, un objet que Rainer ne raterait jamais. Mais il s’avère vite
qu’il s’agit en l’occurrence d’un club de voile privé plutôt à l’abandon, où pourrissent
des quantités énormes de matériel usagé. Nous trouvons un sentier de rive dans
une sorte de forêt ressemblant à une mangrove et décidons d’y marcher jusqu’au
prochain village, mais au bout de deux kilomètres, le sentier se perd dans la
forêt. Au moins, avec le retour, nous avons « remplumé » le maigre
itinéraire d’aujourd’hui et atteint les 20 km.
Le
dîner nous est servi par une jeune et jolie serveuse. Apparemment une
débutante, dont nous ne nous lassons pas d’admirer la démarche. Après chaque
plat servi, elle se retourne en virevoltant sur la pointe des pieds comme une
petite danseuse de ballet, avant de disparaître en direction de la cuisine – plutôt
indescriptible. Notre menu, par contre, est facile à décrire : la vieille
dame nous a concocté en entrée un potage à la viande de bœuf garni de ravioles
(une des spécialités du Dauphiné), de divers légumes et de crème fraîche - un
moment gustatif unique (malheureusement, une assiette seulement pour chacun !).
Ensuite, aiguillette de poulet panée parfumée au coriandre, accompagnée d’une
sorte de ratatouille, plateau de fromages et, en dessert, le fameux Café
gourmand si apprécié en France (un
choix de desserts différents autour d’un « p’tit café »). Dans ce
cas, le p’tit café brille par son absence – p’tit péché.
Juste
avant le dîner, un groupe de motards sympathiques, tous âgés entre 50 et 60
ans, est arrivé de Ludwigshafen (Allemagne) pour passer, comme chaque année,
une semaine ensemble sur la route. Nous échangeons les habituels « d’où
venez-vous et où allez-vous », leur spécialiste de la navigation au GPS
promet de m’envoyer des informations par e-mail sur cet intéressant sujet (il
l’a fait depuis), puis nous nous retirons dans nos chambres pour écrire ou lire.
Samedi
15/06/2013 – Soleil
À 9
heures tapantes, le taxi commandé la veille arrive et nous ramène cette fois
ensemble à La Mure, pour récupérer la voiture garée à l’hôtel.
Sur
le chemin du retour, nous traversons de nouveau un lieu chargé
d’histoire : le 7 mars 1815, devant Laffrey,
Napoléon, de retour de l'île d'Elbe et en route pour reconquérir le pouvoir,
rencontre les troupes royales chargées justement de l’en empêcher. C’est en ce
lieu que Napoléon se serait avancé au-devant des soldats lui faisant face,
aurait entrouvert sa redingote et se serait écrié : « Soldats, s'il
en est un parmi vous qui veuille tuer son Empereur, me voici ! ». Sur
ce, les soldats auraient alors crié « Vive l’Empereur ! » avant
de se rallier à celui qui avait déjà sacrifié des millions de leurs compagnons
d’infortune sur les champs de bataille
d’Europe. Quel homme...
d’Europe. Quel homme...
Le reste est vite
raconté : Rainer a l'intention de repartir en Suisse directement d'ici.
Venus ensemble avec sa voiture, nous nous étions déjà posé la question de mon
retour de Laffrey chez moi. Les correspondances
des transports en commun aimablement communiquées par SAFRANtours s’étaient
révélées extrêmement compliquées, avec plusieurs changements de taxi, train et
bus. Finalement, j'avais réussi à convaincre deux de nos amis, qui arrivaient
justement ce jour-là de Suisse, de me prendre en passant sur l'autoroute près
de Barraux, au nord de Grenoble, ce
qui résolvait mon problème. Ils arrivent une demi-heure seulement après mon
arrivée à l’hôtel-restaurant Le Vauban
et deux heures plus tard, nous prenons le café ensemble à Dieulefit. La troisième randonnée sur les Pas des Huguenots est
terminée.
Il
ne reste plus que le « débriefing » : regarder les photos,
écrire le compte-rendu, chercher des recettes de cuisine huguenote sur
Internet, parce que je l’ai imprudemment promis aux deux gérantes de chambres
d’hôtes pour qu’elles affinent encore leur offre et puissent l’harmoniser à la
thématique du sentier...