samedi 25 octobre 2014

2014 Sur les Pas des Huguenots dans la Chartreuse



Jochen Sicars - Traduction Françoise Fourault-Sicars

 

De Grenoble à Chambéry

Apparemment, la randonnée sur le Sentier des Huguenots comporte des risques de dépendance. Après avoir réussi à échapper à l’alcool, aux cigarettes et autres substances addictives, je suis devenu complètement « accro » à la randonnée depuis bientôt quatre ans. Il ne sera pas facile de peut-être renoncer l’année prochaine aux derniers kilomètres du Sentier en France, entre Chambéry et Genève, car cette année, après les 22 kilomètres quotidiens parcourus par monts et par vaux, les courbatures ont été bien sensibles. À moins que...
Sur cette étape aussi, mon ami Rainer de Zurich m’accompagne. La nouveauté cette année est que nous avons confié l’organisation de notre randonnée à un nouveau tour-opérateur : PEDESTRIA. SAFRANtours ne couvre pas encore ce secteur, en tout cas pas pour l’instant. Cette fois encore, l’itinéraire est entièrement planifié, les gros bagages transportés d’une auberge à l’autre, sans que nous ayons à nous en occuper.


Inséparables depuis la rencontre à Ibiza, il y a 30 ans

L’année dernière, j’ai décrit tous les jours la météo. Cette année, pas besoin puisque nous aurons toute une semaine de soleil, alors que la semaine précédente laissait plutôt à désirer et nous aurait gratifiés de moult pistes boueuses. Et comme cette chronique ne s’adresse en fait qu’à nous et à nos proches, elle sera parsemée comme toujours de commentaires sur les plaisirs culinaires, qui ne sauraient manquer.

Lundi 1/09/14
Départ pour Grenoble
Cette année, j’ai opté pour le train. Je monte dans le TGV pour Valence à 13 h 38, correspondance, puis suite du voyage vers 14 h 15 en TER, direction Grenoble. Sur le quai, trois jeunes filles attendent, avec d’énormes sacs de voyages à roulettes qu’elles sont incapables de hisser dans le wagon. Le noble chevalier intervient – et s’écroule presque lui-même sous de tels poids. Il faut vraiment être très très jolie pour trouver quelqu’un qui vous aide dans un cas pareil... En route le long du massif du Vercors, avec en main une brochure des Éditions du Dauphiné où il est justement décrit dans tous ses détails. Un nouvel objet de convoitise pour de futurs projets ? On verra. Je lis tout d’abord quelques lignes sur celui de cette année.

Grenoble. L’année dernière, notre circuit s’était terminé au Lac de Laffrey, sans atteindre Vizille. Grenoble n’était pas non plus un domaine de randonnée susceptible de nous attirer. La ville, qui comptait près de 20 000 habitants à l’époque de l’exode des Huguenots, en compte aujourd’hui 200 000, et près de 500 000 avec sa zone de chalandise. De plus, sur la route qui mène à Grenoble, il y avait et il y a toujours de vastes travaux sur la conduite forcée de la centrale hydroélectrique qui alimente Grenoble et ses environs. Le sentier de randonnée habituel qui descend jusqu’en-bas a été remplacé par une déviation temporaire. Notre randonnée commencera donc demain à 10 km environ du centre-ville, à Biviers, au pied du massif de la Chartreuse, et nous laisserons déjà derrière nous le secteur urbain.

 

Grenoble à la fin du XVIIe siècle

À l’époque de la Révocation de l’Édit de Nantes, Grenoble était sous domination catholique. Le mouvement d’exode en direction de Genève existait depuis longtemps déjà, du fait des trente ans de guerres de religion. Comme précédemment sous l’occupation protestante, on y gouverne alors sans sévérité et l’Édit de Fontainebleau n'y est appliqué que sous une forme affaiblie. Aucune persécution acharnée des dissidents, pas de « dragonnades ». Les fugitifs trouvent toujours à se loger à certaines adresses. Ce n’est que plus loin en direction de Genève, par exemple dans la région située au nord, limitrophe du Grésivaudan que la chasse fructueuse aux fugitifs reprend. Les guerres de religion avaient fait trop de victimes et de dégâts dans cette région, marquant les habitants au plus profond de leur mémoire. La tolérance y était réduite à zéro.

Arrivée à Grenoble à 15 h 30. L’Hôtel des Alpes (sans restaurant) n’est qu’à quelques centaines de mètres de la gare. Je m’installe, Rainer n’est pas encore arrivé. Notre restaurant « L’Inattendu », choisi de même que l’hôtel par Pedestria, se trouve juste en face. 

« L’Inattendu », un nom prédestiné : de vastes travaux de rénovation viennent d’y commencer et continueront toute la semaine... Quelques minutes me suffisent pour dénicher un autre restaurant, très intéressant, à proximité : « La Ferme à Dédé », qui propose des produits régionaux du Dauphiné. Problème résolu. Sur le chemin qui mène à la gare, Rainer arrive déjà à ma rencontre. Il est trop tôt pour dîner, donc nous partons à la découverte de la vieille ville de Grenoble, de l’Isère, du téléphérique, du quartier de l’Université avec son atmosphère vivante et jeune et ses étudiants, comme en Angleterre, en groupes sur le gazon, devant les cafés,...

Vers 20 h nous sommes de retour au restaurant. Accueil aimable, carte variée. Nous optons pour un gratin dauphinois, pour moi avec une crème aux noix, salade et assortiment de charcuterie, pour Rainer avec une sauce aux crevettes et au crabe et salade mixte. Une fois de plus, on est fier de pouvoir me proposer le seul thé disponible, du Earl Grey, aromatisé à la bergamote, dont j'ai horreur. Donc, tous deux du vin, comme il se doit.

Retour à l’hôtel, après avoir encore fait les courses pour notre pique-nique de demain, que le réceptionniste dépose aimablement dans le frigo de la maison.


Mardi, 2/09/14
De Grenoble à Saint-Pancrasse – 13 km en taxi + 22 km de marche. Du fait que Pedestria ne disposait pas encore des dénivelés à franchir, nous ne pouvons que les estimer à l’aide des cartes IGN.

Réveil à 7 heures, 8 heures petit-déjeuner ; à 8 h 30, notre taxi arrive pour nous conduire de Grenoble à Biviers (alt. 505 m) au pied du massif de la Chartreuse et transporter nos bagages à Saint-Hilaire. 

Pas toujours évident – à gauche ? ou à droite ?

La montée commence immédiatement derrière le parking et atteint 800 mètres d’altitude en un rien de temps. Le sentier nous mène à travers de magnifiques forêts mixtes de feuillus, avec vue de temps en temps sur la vallée de l’Isère, le Grésivaudan, qui s’étend en contrebas. Petite descente vers un autre parking, puis nouvelle montée, le tout trois fois de suite. À la fin de la journée, nous aurions bien aimé commencer sur un des derniers parkings...

Car maintenant, après la Tour d’Arces, donjon d'un ancien château fort appartenant à la famille d'Arces, qui a joué un grand rôle dans le Grésivaudan au XVe siècle, du temps du célèbre chevalier Bayard, le plus dur commence. Après une longue montée le long d’un torrent actuellement tari, nous traversons le lit du fleuve juste au-dessous du versant à pic. Les torrents sur ce côté de la montagne sont actuellement tous taris, mais les étayages faits d’énormes murs de béton ou de maçonneries montrent avec quelle violence les avalanches de pierres et de boue déferlent dans la vallée en automne ou au printemps, menaçant les habitants qui y vivent des sols alluviaux fertiles.

Un des petits étayages de torrent, 
sans cesse à réparer

En dessert au pique-nique, c’est une montée particulièrement raide vers le Col du Baure, à 1200 m d'altitude, qui nous attend. Un magnifique sentier étroit, de nouveau sous couvert arboré. 

Quinze lacets sont mentionnés, et si on compte chaque fois deux épingles à cheveux, le compte est sans doute bon. Des zigzags sans fin. Tout à coup, nous sommes interpellés par une vue particulièrement belle sur les parois abruptes au-dessus de notre chemin. Je veux saisir mon appareil photo : disparu ! Je cherche fébrilement dans tous les sacs - enfin, le voilà, dans le sac à dos, où il a atterri pendant notre pique-nique. Soulagé, je continue... et laisse mon chapeau de soleil accroché à un panneau d’information sur l’aménagement des cours d’eau.


Vue sur la Dent de Crolles

Enfin arrivés en haut (panorama à 360°), nous pouvons respirer un peu et nous réjouir de la descente par Les Meunières et Le Tournoud en direction de Saint-Pancrasse, notre destination d'aujourd'hui. Le chemin s’avère plus ardu que prévu et donne bien du mal à nos vieux genoux de 73 et 78 ans. Après avoir ruminé quelque temps sur la manière dont nous pourrions nous épargner l’imbroglio des routes et des chemins qui entourent les Meunières, nous empruntons finalement un bout de la route goudronnée et trouvons sans peine notre logement du jour à Saint-Pancrasse (995 m), les chambres d’hôtes Le Bois Soleil et sa charmante propriétaire Édith

La cheminée d’Édith
Douche, petite pause au calme, puis nous nous retrouvons à la grande table de la salle à manger, non sans avoir d’abord admiré la précision extrême avec laquelle Madame Édith a posé les carreaux derrière la cheminée murale toute neuve. Plus tard, deux jeunes amis de son fils, venus passer une semaine de vacances, viennent se joindre à nous.


L’ancienne chambre du fiston, 
devenue chambre d’hôte
Un apéritif très prometteur, excellent Vin de Noix (spécialité de la région), une soupe à la tomate (avec du rab) qui tient ses promesses et des filets de poulet servis sur des petites pâtes carrées (ravioles) et accompagnés de légumes divers, puis un dessert original nous font vite oublier la fatigue de ce premier jour de randonnée. Le tout sur fond de conversations animées – avec la participation intéressée des jeunes gens originaires de Grasse et de Nice. Vers dix heures, nous sommes couchés, pour moi encore deux pages de polar, puis je dors d’une traite jusqu’au lendemain matin.

Mercredi 3/09/2014
De Saint-Pancrasse (Saint-Hilaire du Touvet) à Saint-Bernard du Touvet

À 9 heures, nous sommes de nouveau « en piste », impatients de découvrir le fameux Tour des Petites Roches de ce plateau, qui s’étend à mi-hauteur du massif de la Dent de Crolle. Trop impatients, car au bout de vingt mètres à peine, mon téléphone sonne et avant que je ne le sorte de ma poche, voici Madame Édith qui accourt pour me rendre mes documents de randonnée. Je n’apprendrai que plus tard par e-mail que j’ai aussi oublié mon réveil à deux sous... Apparemment, vu les dommages collatéraux que j’accumule jusqu’à maintenant, j’ai besoin d’encore un peu de temps pour être « dans le bain ».

Les Petites Roches forment une partie particulièrement pittoresque du plateau. On avance tout le temps sur le bord de la falaise, avec des panoramas à couper le souffle sur la vallée de l'Ìsère, située de 300 à 500 mètres en contrebas. Un raccourci menant à ce GRP (Chemin de grande Randonnée de Pays) commence directement derrière notre auberge, conduit le long d’une vallée fluviale, puis remonte vers le bord de la falaise où le brouillard matinal masque la vue sur la vallée. 


500 mètres plus bas : Crolles sous le brouillard matinal


Mais il ne dure pas longtemps. Nous tombons sur un endroit où une drôle d’installation qui tourne sans cesse, un peu comme un grand télescope, attire notre attention. Selon le panneau d’information, elle a pour but de contrôler le niveau phréatique en bas, dans la vallée – va savoir comment...

Aujourd’hui, nous pouvons pleinement profiter d'une particularité de notre circuit de randonnée : alors que trois des quatre jours de randonnée comptent chacun 22 km de parcours, nous n’avons aujourd’hui que 15 km à faire et donc suffisamment de temps pour visiter les alentours. Nous l’utilisons surtout en arrivant dans les environs du funiculaire de Saint-Hilaire-du-Touvet (le plus pentu de France), construit au début du XXe siècle pour le transport des matériaux de construction destinés au sanatorium du plateau des Petites Roches dominant le village. Il y a quelques années, l’idée fait son chemin qu’un glissement de terrain de la Dent de Crolles pourrait éventuellement mettre la construction en péril. Le sanatorium est donc abandonné. Aujourd’hui encore, il reste inutilisé et se délabre peu à peu. Le funiculaire, par contre, connaît toujours une grande affluence, surtout en septembre, au moment de la Coupe Icare, un gigantesque spectacle de vol libre (delta et parapente) qui a attiré plus de 75 000 spectateurs et participants en 2013. Toutes les possibilités de logement sont déjà réservées des mois à l’avance et si nous avions voulu réserver quinze jours plus tard, notre projet serait certainement tombé à l’eau.

Le restaurant du funiculaire
Mais donc, nous allons pouvoir nous aussi profiter pleinement de cette discipline sportive. Les deux tremplins d’envol se trouvent directement derrière le funiculaire et, naïfs que nous sommes, nous sommes persuadés que nous allons certainement pouvoir y observer au moins un de ces sportifs dans l'exercice de sa passion. Très loin du compte ! L’endroit grouille de parapentes qui ont très manifestement repoussé les deltaplanes au deuxième rang, la voile du parapente étant apparemment plus facile à piloter. Toutes les deux minutes, un parapentiste court d’abord à reculons sur la pente descendante recouverte de gazon synthétique, puis fait demi-tour et décolle déjà bien avant le bord de la falaise (qui précède un groupe de buissons et d'arbres destiné à rattraper les victimes de faux démarrages). En l’espace de quelques secondes, les courants thermiques l’ont saisi. En décrivant des cercles, il gagne en hauteur et va rejoindre cette « danse des vampires » que nous ne nous lassons pas de regarder.


 


Si on rate son coup, on reste accroché là

Jusqu’à ce qu’un gargouillement de nos estomacs nous signale qu’il est temps de prendre une petite collation. Aujourd’hui pas de pique-nique, vu le choix de restaurants qui entourent le funiculaire et l’école de parapente. Nous optons pour la Grange du Loup, un peu plus haut sur la montagne où un petit remonte-pente montre que l’on peut même faire du ski ici en hiver. Cuisses de poulet confites et légumes, on me donne même un thé buvable, et c’est reparti – ici, peut-être pas forcément « Sur les Pas des Huguenots »...

Même si ce chemin que nous parcourons depuis maintenant quatre ans est appelé ainsi en raison de l’exode des Huguenots au XVIIe siècle, il ne suit que de manière tout à fait générale la direction de leur exil et a été aménagé (de même qu’en Allemagne et en Suisse) à la fois en tant que chemin de grande randonnée et chemin touristique. Mais il est également tout à fait possible que les Huguenots aient choisi autrefois le chemin menant par ce haut-plateau parce qu’il n’était pratiquement pas habité et qu’en bas dans la vallée, la population entièrement catholique faisait tout pour entraver l’avancée des fugitifs. De nos jours, bien que ce soit avéré, il nous est difficile d’imaginer combien ces gens ont peiné à avancer sur des sentiers inconnus et dangereux, à des centaines de mètres au-dessus de la vallée, et généralement au plus profond de la nuit. Aujourd’hui, nous marchons sur des sentiers aménagés et balisés, sous les plus beaux rayons de soleil, pour traverser ce plateau parsemé de villages et notre seul souci est de trouver à temps un café, une épicerie ou une pharmacie. Ils ne sont d’ailleurs pas très fréquents et pour le lendemain, nous serions bien avisés de nous en préoccuper un peu.

Le Moulin de Porte de Traine

Mais retour d’abord du restaurant au GRP, puis nous continuons en bordure de falaise jusqu’à une forte descente à travers une entaille profonde dans le plateau. 

L’environnement devient de plus en plus humide, jusqu’à ce que nous arrivions à un ancien moulin, aujourd'hui très délabré, Le Moulin de Porte-Traine. De là, nous devons de nouveau rattraper quelques centaines de mètres d’altitude. Aujourd’hui, la marche sur ce chemin, comme sur tous les autres jusqu’à maintenant, ne pose pas de problème, mais par temps de pluie, nombreux sont les sentiers qui deviennent parfois très boueux et glissants. 

Il est d’ailleurs conseillé aux randonneurs accompagnés d’ânes bâtés de prendre plutôt une déviation vers l’intérieur des terres pour plusieurs de ces passages. Arrivés en haut, une prairie entourée de ronces bien chargées de mûres sauvages nous invite à faire une halte. D’ici, la distance qui nous sépare de notre prochaine auberge n’est plus très grande. Le Sabot des Muses se trouve à Saint-Bernard-du-Touvet, sur la D30c qui mène au Col de Marcieu.




Au Sabot des Muses c’est aujourd’hui jour de fermeture, mais il y a quelqu’un et on nous a déjà entendu arriver. Madame Nathalie arrive de sa sieste dans le jardin, coiffure afro et bandeau sur le front, un sourire radieux sur les lèvres – nous sommes déjà comme à la maison. Nous prenons nos quartiers, douche, puis pause sur le lit pour décompresser. Même si ce ne furent aujourd’hui que les 15 kilomètres décrits, ils n’étaient pas piqués des vers et, en plus, riches en émotions fortes...


En bas, Eric Clapton chante en boucle ; sur les murs, une très belle exposition de photos sur le thème de l'exil. Un randonneur seul, peu enclin aux contacts, s’assoit à la table la plus éloignée, avant de se retrancher dans sa chambre devant la télé. Monsieur Jacky – un as du dernier championnat de boules comme le montre un montage photo accroché au mur – est rivé à son ordi portable depuis notre arrivée. 

Il se rend ensuite à la cuisine pour nous préparer un menu tout à fait gastronomique. Salade avec jambon cru en entrée, avec un excellent pistou et des copeaux de parmesan, gigot d’agneau et purée de patates douces (parfumée à l'anis et au gingembre) et en dessert de la faisselle avec un coulis de framboises. Bien repus, nous regagnons ensuite nos chambres – en oubliant de commander notre pique-nique pour demain...

Jeudi 4/09/2014
De Saint-Bernard du Touvet à Barraux

Aujourd’hui, départ dès 8 heures 30, pour de nouveau 22 km par monts et par vaux – et sur tout le chemin, aucune chance de pouvoir acheter quoi que ce soit. Comme nous n’avons pas commandé notre pique-nique à temps, Monsieur Jacky grogne un petit peu, mais nous concocte tout de même deux énormes tartines de pain bis garnies, qui nous changent agréablement des sandwichs baguette habituels.

D’ici au Col de Marcieu, il n’y aurait en fait que trente minutes de marche sur la route goudronnée, mais notre sentier de randonnée est bien sûr conçu selon d’autres critères et il nous faut plus de trois heures avant d’être venus à bout de ce parcours - bien plus riche en impressions, il faut le dire. Le parcours commence d’abord par un retour au GRP par la route nationale, les deux se croisant plus loin en aval, puis sur le GRP nous descendons encore plus bas jusqu’aux Cascades du Glésy qui valent à elles seules le détour. Et – ouf ! – montée de nouveau jusqu’au versant abrupt à environ 900 m d’altitude. En chemin, nous sommes surpris de voir des travaux de terrassement sur le sentier, dont les éventuelles balises on déjà été sacrifiées par la coupe de tous les arbres côté pente. Plusieurs fois, nous tombons sur des bifurcations qui pourraient être notre chemin vers les hauteurs – ou pas.... 

Cascades du Glésy
Après avoir cherché longuement et essayé plusieurs chemins en vain, nous trouvons finalement le premier des deux poteaux directionnels Bois de Beaumont. Il a été temporairement déplacé et maintenant replanté tout de travers sur la piste. Du coup, nous ne savons plus si nous devons continuer vers le bas ou prendre plutôt à gauche vers le haut... Notre but étant « en haut », nous prenons celui qui se révèlera être un peu plus long et qui nous montrera une fois de plus qu’on ne devrait pas faire trop confiance aux indications de distance de ces poteaux en général. Un des poteaux directionnels parle, par exemple, d’un sentier n° 800 de 220 m de longueur, l’autre par contre d’un sentier n° 700 d’une longueur réelle de 700 m (même chose que lors de ma traversée de la Lance entre Dieulefit et Nyons, où on ne trouvait jamais le même résultat en additionnant les distances).


Et les voilà disparus, les balisages pratiques sur les arbres


Nous continuons à monter, Rainer la plupart du temps devant parce que tout (presque) vrai Suisse qu’il est devenu, il ne s’affole pas. Et il a toujours suffisamment de souffle pour papoter de temps en temps, mais pas toujours –  et sur ce point-là aussi, nous nous ressemblons tout à fait. C’est la raison pour laquelle nous n’avons aucun problème à nous retrouver chaque année pour cette randonnée. 




Pour finir, nous passons tout de même par la crête de la montagne, où un bûcheron est là aussi en pleine action. Nous nous asseyons sur quelques troncs d’arbre pour pique-niquer. Juste après, le bûcheron stoppe également sa scie et nous pouvons déjeuner en paix. Dix minutes plus tard, nous longeons les premières maisons en bois d’un projet écologique sur le Col de Marcieu, qui se révèle être une zone particulièrement dédiée aux loisirs – avec espaces pique-nique, télésièges, toboggans... Il semble même qu’il y ait un bus qui passe ici pendant la saison et maintenant encore, direction Saint-Hilaire, mais pas la bonne pour nous.

On aurait pourtant bien aimé... Car à partir de maintenant nous avons environ cinq kilomètres de route goudronnée devant nous, avec forêts de sapin à droite et à gauche, une voiture de temps en temps, un hameau ici et là, rien que le calme. Alors allons-y : un kilomètre à pied, ça use, ça use...

Tous ceux qui connaissent la randonnée sur route goudronnée savent qu'elle exige physiquement bien plus que la randonnée sur les sentiers. Arrive finalement un autre hameau, Le Villard, avec quelques petites tables et des chaises. Enfin une petite terrasse de café ? Erreur ! Ce ne sont que les gens d’une petite fromagerie qui sont en train de prendre leur petit quatre-heures. Continuons donc...











Alors arrive enfin un passage vers un sentier qui monte en pente raide vers les hauteurs, puis redescend vers Les Prés

Puis encore la même chose pour ne pas
manquer la vue d’en haut sur le Fort Barraux. Arrivés dans la commune de Barraux – très propre et entièrement repavée de neuf – nous pouvons enfin savourer la glace qui me trotte dans la tête depuis longtemps comme un mirage. Rainer n’est apparemment pas sujet aux tentations de ce genre, mais il ne refuse pas non plus – sans doute simplement pour me faire plaisir ;-)




Le Fort Barraux mérite sans doute plus que la simple évocation faite ci-dessus.


Fort Barraux à la fin du XVIIe siècle


À la fin du XVIe siècle, le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie édifie un fort sur le territoire français, alors apparemment affaibli par les guerres de religion, pour défendre l'entrée de la vallée du Grésivaudan

Pour ajouter encore à la provocation, il décide de le baptiser Fort Saint-Barthélémy, en allusion au massacre des protestants à Paris. Mais Henri IV, ancien protestant récemment converti au catholicisme pour pouvoir devenir roi de France, n'est pas disposé à céder. Demandant au duc de Lesdiguières, chef de son armée également converti (Cuius regio, ejus religiotel prince, telle religion ) pourquoi il n'entreprend rien contre cet affront, celui-ci répond : « Sire, la construction d’un fort à cet endroit est particulièrement bien choisie. Mais en raison de l’état des finances du royaume, il vaut mieux que ce soit votre cousin de Savoie qui en fasse la dépense. Quand il sera à peu près terminé et avant qu’il y mette une garnison sérieuse, je le prendrai. »
Au petit matin du 15 mars 1598, un groupe de soldats de Lesdiguières, camouflés sous des peaux de moutons, se mêle au troupeau d’un berger qui faisait habituellement paître ses bêtes sur la contrescarpe et dans les fossés du fort. Un peu plus tard, le fort tombe entre les mains du roi.


Fort Barraux aujourd’hui
 Photo : site de l’Association de Sauvegarde et Valorisation de Fort Barraux


Plus tard, sous Louis XIV, le Fort prendra sa forme actuelle, transformé par l'architecte Vauban. On sait d'ailleurs de ce dernier qu'il exhorte le Roi avec véhémence à arrêter de persécuter les Huguenots (il adresse à Louis XIV son « Mémoire pour le Rappel des Huguenots »), pour faire cesser cette hémorragie d’intelligence et de savoir-faire artisanal en France. Rien n'y fera – c’est le privilège des « Grands ».

Nous n’avons pas de chance : c’est la fin de la saison et à partir du 1er septembre, le Fort n'est plus ouvert qu'aux groupes. Nous devons donc nous contenter de la vue d’en haut et d’une ronde sur les remparts. Il est d’ailleurs difficile d’imaginer les troupeaux de mouton d’autrefois au moment de l’attaque du Fort, car les fossés sont maintenant envahis de ronces sur une hauteur de trois mètres. Dommage, mais c’est sans doute ici aussi le signe du manque actuel de subventions publiques en France, autrefois si généreuses.

Un regard encore sur l’autre côté de la vallée où derrière Pontcharra on aperçoit au loin la tour du Château de Bayard. Malheureusement, nous n’aurons plus le temps de visiter la propriété de cet homme, dont la réputation s’est même répandue jusqu’en Allemagne. Pierre de Terrail, Seigneur de Bayard, est plus connu sous le nom de Bayard ou de « Chevalier Bayard, sans peur et sans reproche ». Son éternel compagnon d’armes, Jacques de Maille, écrivit l’histoire de ce dernier vrai chevalier dans la « Très joyeuse et très plaisante histoire du gentil seigneur de Bayart », évoquant son courage, son sens de la justice et son comportement toujours sans faute –  une histoire et une conception de l’honneur qui ont traversé les siècles.

Malheureusement, aucun hébergement n’a pu être trouvé pour nous en haut, à Barraux, et nous devons affronter encore un dénivelé de 100 m pour descendre dans l'autre partie de l'agglomération, située dans la vallée – et le regrimper demain pour continuer notre route. 

L’hôtel Le Vauban, proche de la sortie d’autoroute Pontcharra, est une adresse que nous connaissons depuis longtemps. On y dort bien (l’autoroute n’est qu’un bruit de fond), la cuisine est bonne et derrière l’hôtel, il y a un grand parc avec un lac, exactement ce qu’il faut à des randonneurs épuisés. Nous nous installons – et nouvelle surprise : le propriétaire a changé et son prédécesseur n’a pas jugé bon de transmettre notre réservation (ni les modalités particulières convenues avec Pedestria). Nous trouvons pourtant une solution et au cours d'un dîner adapté aux calories brûlées en chemin (buffet d’entrées à discrétion, escalope à la milanaise, buffet de desserts), nous passons en revue l’étape d’aujourd’hui. Le parc nous attendra en vain, de même que mon journal...

Vendredi, 5/09/2014
De Barraux (dans la vallée) à Chambéry

Réveil à 6 heures 30 – le bruit de fond de l'autoroute a déjà repris. Sortir du lit, se laver et s’habiller, puis écrire d’abord le journal ; sinon, les détails de toutes les impressions collectées pendant cette randonnée se perdent vite. Après avoir quitté l’hôtel, nous reprenons la montée au niveau 320 m et déjà, un premier obstacle barre le chemin : le sentier indiqué est entièrement envahi d’orties et impraticable. Nous prenons la route départementale (tous les changements de parcours décrits jusqu’ici n’ont posé aucun problème grâce aux deux cartes IGN de la Chartreuse fournies par Pedestria), puis un raccourci le long du Fort et nous voilà déjà revenus sur le chemin indiqué pour aujourd’hui. Il nous conduit principalement à des hauteurs de 300 mètres à travers un territoire vinicole, remplacé maintenant par des plantations de noyers. ChapareillanMureLes Marches. Ce lieu aussi a son histoire.


Le Mont Granier 
et au premier plan La Pierre Hachée

Le 24 novembre 1248, le gigantesque effondrement du Mont Granier (1933 m) entraîne un torrent de boue et de pierres d’une largeur de sept kilomètres et d’une longueur de onze kilomètres, qui engloutit tous les villages de la vallée sous une masse d’éboulis estimée à 500 millions de m³, qui atteint jusqu'à 140 mètres de hauteur. 

La zone touchée est connue depuis sous le nom de « Les Abîmes de Myans », comme en témoignent les plaques des rues. Le « Lac de Saint-André », à proximité des Marches, et « La Pierre hachée », un énorme bloc rocheux  de plusieurs fois la hauteur d’une maison, témoignent également de la violence de cette catastrophe.


Le petit lac nous invite à faire une pause déjeuner, un havre de charme planté de vieux arbres, doté d’un restaurant assidument fréquenté et entouré des témoins dispersés d’un passé de presque 800 ans : des gros blocs rocheux provenant de l’effondrement du Granier, où les randonneurs fatigués aiment à s’asseoir ou à pique-niquer.

Le Lac de Saint-André



















Notre randonnée continue à travers les vignes et les champs, Lèche, Chacusard, Saint Badolph. 

Un bus part d'ici pour Chambéry, ce que nous ignorons dédaigneusement (« ce qui ne tue pas, rend plus fort »,   comme disait Nietzsche...), parce que nous pensons pouvoir encore visiter la maison du célèbre habitant de Chambéry que fut Jean-Jacques Rousseau, aux Charmettes, ou au moins la voir. Né à Genève et élevé dans la foi protestante du calvinisme, celui-ci quitte le domicile et l’étroitesse des lieux à 16 ans. À Annecy, il fait la connaissance de Madame de Warens, qui avait épousé à quatorze ans un officier qu’elle quittera aussitôt. Elle abjure ensuite et devient catholique, espérant sans doute s’élever dans l’échelle sociale. Effectivement, le roi de Sardaigne (et Comte de Savoie) lui garantit par la suite une pension pour qu’elle puisse accueillir des protestants suisses émigrés.

Les Charmettes
En mars 1728, elle accueille pour la première fois Jean-Jacques Rousseau chez elle, à Annecy, où elle l’amènera plus tard à abjurer le protestantisme et à se faire baptiser. Elle l’envoie ensuite dans un monastère à Turin, puis à peine converti, il revient en 1729 chez Mme de Warens à Chambéry, où elle s’est établie entre-temps. Placé auprès d’un maître de chapelle, il s’enfuit de nouveau et fait une escapade à Lyon. En septembre 1731, il retourne chez Madame de Warens à Chambéry. Il trouve un emploi auprès des services administratifs du cadastre dans un bâtiment du château, disparu aujourd’hui, mais abandonne en juin 1732, car il veut se consacrer à la musique. Grâce aux relations de Madame de Warens, il devient maître de musique auprès de jeunes filles de la bourgeoisie et de la noblesse. Dans le quartier environnant la maison qu’il partage avec Madame de Warens et Claude Anet, sorte de valet omniprésent et amant de la maîtresse de maison, les portes de la haute société de Chambéry s’ouvrent à J.J. Rousseau. Il habite un temps un appartement dans la rue Saint-Réal et une statue le montre en « randonneur solitaire » dans le Parc Lémenc. De 1736 à 1742, le jeune Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens habitent Les Charmettes, sur les hauteurs de Chambéry, pendant les mois d’automne et d’hiver. C’est ici que le jeune philosophe dit avoir découvert la botanique et sa passion pour la nature, ainsi que son amour pour Mme de Warens. C’est ce qu’il nous fait savoir dans ses célèbres « Confessions ».

Nous voulons donc vite profiter encore de l’occasion pour voir cette maison, une idée qui s’avère bientôt plutôt mauvaise. À partir de Musselin, notre chemin prend encore une fois une pente tout à fait raide, les traits jaunes des balises sont rares et prennent maintenant la forme de triangles, et le chemin traverse plusieurs fois la route départementale D 12a, qui conduit au Massif de la Chartreuse, vers Epernay/Saint- Pierre-d’Entremont. Et ça continue encore jusqu’à la Croix de la Coche, à 610 m d’altitude, où nous sommes contents de faire une petite pause, même si la vue sur Chambéry y est entièrement bouchée par les arbres poussés au cours des dernières années. 

La descente par le GR96 maltraite encore une fois copieusement nos genoux et nous devons tout de même reconnaître qu'il ne nous restera pas suffisamment de temps pour faire un détour par Les Charmettes. Nous poursuivons donc notre route à travers le magnifique paysage en direction de Chambéry et après d’interminables lacets sur la route goudronnée – aucun taxi en vue – nous arrivons au centre-ville où, vu la signalisation embrouillée, nous sommes obligés de demander notre chemin à une demi-douzaine de passants avant de trouver enfin la gare (l’hôtel est juste en face).

Comme dans presque toutes les villes, la gare ne bénéficie pas du meilleur environnement, de plus des travaux sont en cours dans et tout autour de la gare. Mais l'hôtel L'Actuel a apparemment été rénové récemment. Après avoir passé l’épreuve de l’ascenseur, qui lui n’a pas bénéficié de ce renouveau, nous trouvons des couloirs et des chambres neufs et propres et on peut s’y sentir bien. Les bruits de la rue et de la gare sont presque complètement amortis par des doubles portes et doubles fenêtres obsolètes, mais efficaces. Par contre, on doit sans doute les laisser fermées l’été pour dormir tranquille !

Le dîner nous est servi dans un restaurant modeste, mais également propre. Les lasagnes, qui font elles aussi partie de notre forfait randonnée de Pedestria, sont préparées par le chef en personne et fondent dans la bouche. Un dessert complète le repas et aujourd’hui, dès 21 heures, fourbus, nous disparaissons déjà dans nos chambres.

Samedi 6/09/2014
Chambéry – Jour du retour

Je me réveille déjà à 6 heure 30 du matin – heureusement, car le service de réveil que j’avais commandé par précaution pour 7 heures n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, je dois d’abord rattraper mon journal. Hier soir, on aurait dû me promettre des montagnes d'or pour le faire (massif, pas du plaqué). Petit-déjeuner, puis direction la gare en face, dont le guichet était déjà fermé hier soir. Rainer avait trouvé un train sur Internet avec une quantité effrayante de changements et de temps d’attente et nous voulons savoir maintenant s’il n’y a pas d’autres possibilités de se rendre d'ici à Genève. Il y en a : le TER est direct et il reste encore exactement 8 minutes à Rainer pour acheter son billet, trouver le quai et monter dans le train. Il y arrive et donc, je reste sur le quai et dois tuer le temps jusqu’à 11 heures 30 avant que mon train ne parte.

Vue sur Chambéry

Je laisse mes bagages à l’hôtel et je me mets en route. On est samedi, jour du marché en centre-ville. Comme je n’ai pas de carte de la ville, je cherche d’abord l’Office du tourisme, en suivant une foule de panneaux qui en indiquent le chemin. Mais toujours en tournant en rond ou en sens opposé. Lorsque j’y arrive après avoir tourné plusieurs fois en rond, je peux dire aux très gentilles et très serviables dames de l’Office qu’en fait je n’ai plus besoin d’elles puisque j’ai déjà vu toute la ville en les cherchant ! Ce qu’elles confirment, toutes confuses. Elles me demandent même de remplir un questionnaire, où je pourrais tout particulièrement souligner cette situation déplorable, que l’on connaît depuis longtemps, mais à laquelle on n’a jamais remédié. Mais avec plaisir...


Ensemble du château de Chambéry

Muni d’un plan et en plus d’un guide, je peux donc maintenant méthodiquement mettre le cap sur les sites touristiques les plus importants de Chambéry : le château, la vieille ville avec la Place Saint-Léger et ses allées couvertes (qui ne sont en fait ni des allées ni des rues, mais des passages qui traversent parfois sur des douzaines de mètres des blocs entiers d’immeubles très étroits, menant à des cours intérieures ou à d’autres rues) et les passages qui relient les maisons au-dessus des routes étroites et tortueuses. 


Tout cela parce que Chambéry a été construit sur des terres marécageuses et que, de cette manière, les maisons se soutiennent mutuellement. La faible largeur des immeubles, comme me le révèle le guide de la ville, résulte du fait qu’autrefois, seules les façades étaient taxées d’impôts fonciers. 
On s’arrangeait donc en conséquence, preuve une nouvelle fois qu’aucune loi n'est aussi bien faite qu’on ne puisse la contourner. Après les débuts modestes de cette ancienne capitale de la Maison de Savoie, les maisons aux plans si raffinés sont devenues plus tard de vrais palais pendant la période baroque.

Dans la cathédrale Saint François-de-Sales, je tombe sur une exposition temporaire consacrée au Linceul du Christ, arrivé à Chambéry par des voies mystérieuses et qui fut transféré plus tard à Turin – apparemment grâce à une astuce, car l’évêque de Turin, qui avait juré vouloir faire un pèlerinage à Chambéry justement pour voir le suaire, tomba tout à coup miraculeusement malade si bien qu'on dut au contraire transporter le linceul à Turin, où il est resté jusqu'à aujourd'hui, malgré toutes les demandes de restitution. Très détaillée, l’exposition montre sur de nombreux panneaux l'histoire de ce linceul, avec les empreintes bien reconnaissables d’un corps et les traces de crucifixion. On y explique aussi que c’est en 1988 seulement que la méthode de datation au carbone 14 a permit de dater sans équivoque le suaire entre 1260 et 1390 et que donc il ne peut pas être le linceul du Christ.

À l’intérieur de la cathédrale, on peut d’autre part voir une autre particularité : d’impressionnantes peintures en trompe-l’œil, représentant très fidèlement des croisées d’ogives et des ornements sur les murs et les plafonds.


Peinture en trompe-l’œil dans la coupole de 
Saint-François de Sales

La rue Boigne est une rue qui semble comme creusée par un coup d’épée à travers les ruelles tortueuses de la vieille ville. C’est l’œuvre d’un des illustres personnages de la ville, le Comte Benoît de Boigne. Général au service d’un maharadja indien à la fin du XVIIIe siècle, il avait amassé une immense fortune qu’il utilisa plus tard pour réaliser des projets ambitieux dans sa ville natale de Chambéry. Mis à part la rénovation du grand théâtre de style italien, c’est lui qui fit don de 300 000 livres pour financer cette rue, qui devint la « grande avenue » de Chambéry. C’est là que s’établirent les personnalités de la ville, mais aussi les magasins de luxe et les restaurants, et où la vie mondaine prit son essor.  

Après sa mort, la ville le remercia en érigeant un monument original, composé à sa base d’une fontaine, au milieu de quatre éléphants réunis par la croupe, portant chacun une tour de combat, et en haut d’une colonne avec la statue du généreux donateur. L'absence des parties postérieures des éléphants a vite fait naître dans le langage populaire un jeu de mots peu respectueux : « Les Quatre sans cul ».

Il y a encore bien plus de choses à voir à Chambéry et j’aimerais y retourner un jour. Mais aujourd’hui mon train n’attendra pas, il faut même que je me dépêche pour être à temps à la gare. C’est gagné et à 11 heures 20 je suis assis dans mon TER. Une bonne heure plus tard je suis sur le quai de Valence TGV avec tout mon barda – quelques minutes avant Valence ville, parce que je n’ai pas fait attention et que je suis descendu du train trop tôt. Je ne suis pas le seul, puisque d’autres passagers n’ont pas vu non plus le mot « TGV » au bout de Valence et sont maintenant tout désorientés sur le quai.

C’est alors que commence une recherche fébrile : quand part le prochain train pour Valence-Ville, sur quel quai, comment épargner une crise de nerfs à ma Françoise qui va arriver d'une minute à l'autre à la gare de Montélimar pour venir me chercher ? Je trouve un train qui part sous peu, j'informe ma moitié de cet heureux hasard - et au dernier moment, je m'aperçois que c'est un TGV, que l'on ne peut prendre qu'en ayant réservé son billet. Retour dans le hall de la gare, un TER part dans une demi-heure, re-téléphone à Françoise. Lorsque ce TER arrive, un couple se trompe à son tour et sort du train, mais ils parviennent, comme je n’ai pas pu le faire, à y remonter à temps. Ensuite tout rentre dans l'ordre et une heure après l'heure d'arrivée initialement prévue, je suis bel et bien à Montélimar. Je vois le doute dans les yeux de ma dulcinée, mais au moins elle ne dit rien pour l’instant...



Conclusion : cette année encore, la randonnée sur les traces des Huguenots a rempli ses promesses. Inutile de dire que Rainer pense déjà à la suite – la dernière partie, qui va du Lac du Bourget à la frontière suisse. Moi aussi, mais les étapes devront être plus courtes, car les 22 km me font tout de suite penser à une citation attribuée à Mark Twain : « Quand le plaisir devient obligation, ce n’est plus du plaisir ». On fait ses kilomètres parce qu’on veut et qu'on doit les faire, mais il ne reste plus de temps pour faire des haltes et des visites. Vient s’ajouter à cela qu’il faut compter 1 kilomètre de plus par 100 mètres de dénivelé pour obtenir ce qu’on a vraiment accompli dans la journée. La journée à Saint-Hilaire, où nous avons pu admirer tranquillement les parapentistes et où nous n’avions que 15 km de marche, est pour moi l’exemple de ce qu’il nous faudrait.

Adresses utiles :