dimanche 25 août 2013

2013 Sur le sentier des Huguenots dans l'Isère












Texte original: Jochen Sicars / Traduction Françoise Sicars

Du Col de Menée à Laffrey


Après le plaisir accru éprouvé l’année dernière lorsque nous avons enfilé nos galoches de randonneur pour prendre à deux le sentier des Huguenots, l'attente de la suite en 2013 a été encore plus difficile. Demandée dès janvier, la proposition de circuit s’est fait attendre tout de même jusqu’en mai parce que SAFRANtours n’avait pas encore fait de reconnaissance d’itinéraire au-delà du Col de Menée. Ajouté à cela un hiver long et rude, qui avait rendu impraticable bon nombre de chemins. C’était peut-être bien ainsi, car pour me rapprocher de ce sentier, j’avais entre-temps déménagé du Var dans la Drôme, et déménagement et installation dans la nouvelle maison de Dieulefit m’avaient coûté non seulement des forces, mais fait perdre aussi quelque six kilos, sans compter la suppression de la randonnée pendant cette période. Il était donc grand temps de s’y préparer. Mon ami Rainer et moi avions prévu de poursuivre la route empruntée jusque-là et d’aller du Col de Menée à Laffrey, à l’extrémité du lac homonyme, dans le département de l’Isère. Enfin le 11 juin arriva. Rainer était venu de Suisse trois jours auparavant et on pouvait y aller.

* Rappelons brièvement après les précédents articles publiés qu’avec le forfait de SAFRANtours, nous ne sommes pas obligés de transporter nous-mêmes tous nos bagages ; ils sont transportés pour nous d’une auberge à l’autre. Ce forfait inclut également un carnet de voyage complet, avec livret de route détaillé, cartes au 1/25000e, liste des hébergements et cette année, une pochette imperméable pour les cartes en cadeau.


Mardi 11/06/2013 – Soleil et nuages


Arrivée sur place, rando Col de Menée - Le Percy, 7 km, dénivelé de 880 m à 1500 m, cumulé 810 m


Départ à 9 heures, rendez-vous d'abord à la pharmacie. Rainer a un orteil très enflé et bien rouge, qui le préoccupe déjà depuis plusieurs jours. Après un bref examen, la sentence impitoyable du pharmacien tombe : « crise de goutte », une manifestation due aux excès de la table et de la bouteille, pense-t-il ! Il recommande de consulter immédiatement le médecin pour qu'il nous conseille sur la suite à donner à notre projet... Même constatation du docteur et même verdict : « non, aucune chance de faire une telle randonnée ».


Le choc nous fait d’abord l’effet d’une douche froide : 365 jours de préparation et de joie anticipée en pure perte. C'est alors que je me remémore le livre de Hape Kerkeling (humoriste et acteur allemand) où il décrit de manière si amusante et si originale sa randonnée sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Lui n’avait aucun problème à prendre de temps en temps le bus en cas de fatigue pour franchir un tronçon de son itinéraire. Nous décidons d’utiliser les hébergements réservés au pire des cas en maisons de vacances et d'aller, comme prévu, d’un hébergement à l’autre au fil des jours.


Allons-y pour la voiture. Après nous être procurés les médicaments prescrits, nous partons donc comme prévu. Nous arrivons vers midi au Percy, où nous sommes accueillis le plus aimablement du monde par Madame Fumat aux « Volets Bleus », une ancienne ferme restaurée proposant chambres et tables d’hôtes.






Pendant que nous déjeunons dans un petit bistrot* du village voisin de Clelles, je reçois un appel de Sandy D., journaliste à France Inter, que mon ami Johannes Melsen nous envoie. En juillet, elle veut faire une série de reportages sur des circuits de randonnée en France, entre autres sur le sentier des Huguenots, et veut les émailler de « voix enregistrées sur place ». Elle arrive un peu plus tard, mais cela devrait suffire pour faire un petit circuit de 7 km du Col de Menée vers Le Percy.



Une heure plus tard, Rainer nous a déposé tous deux en haut, près du tunnel du col, à 1 500 m d’altitude, et retourne à notre chambre d’hôtes. Sandy et moi prenons le chemin qui mène à la croix du sommet. Un sentier escarpé et détrempé par les dernières pluies qui, au bout d'une escalade de 500 m, s’avère ne pas être le bon – deux pas en avant, un en arrière, avec plus de gémissements essoufflés dans le micro que de commentaires sur le sujet. Nous aurions dû prendre le chemin vers les hauteurs à cent mètres devant le tunnel, mais les cartes ne l’indiquaient pas, malheureusement.



Finalement, nous trouvons la croix au sommet, avec son panorama à couper le souffle, vers l'arrière sur le Diois et de l’autre côté sur le Trièves. Le reportage suit son cours et après quelques photos, nous entamons la descente, garnie d'un jeu de questions-réponses sur l'histoire des Huguenots, celle du sentier et sur ce qui nous motive à suivre ce chemin.



Trois heures plus tard, après deux autres problèmes rencontrés dans le descriptif du chemin, nous sommes de retour dans la vallée. Sandy court vers son prochain rendez-vous.


Après nous être installés dans nos très jolies chambres et avoir passé une heure au soleil dans le jardin pour nous préparer à nos « vacances forcées », Rainer et moi savourons un dîner copieux avec des spécialités locales. Après l’apéritif, on nous sert des asperges vertes à la sauce mousseline, des pâtes de Trièves avec du « murçon », un saucisson cuit aromatisé au carvi et au fenouil. Le tout accompagné de vin du Gers, pays d’origine de notre hôtesse, et couronné par une délicieuse tarte Tatin bien caramélisée. Il n’y a donc pas que la randonnée qui a du bon…

 


 *  L’origine du mot bistro (ou bistrot) est discutée. Selon une certaine croyance populaire, il dériverait du mot russe bistro, qui veut dire « vite » et daterait de l'occupation russe après la bataille de Paris en 1814. Les soldats n’ayant pas le droit de boire en service et craignant de se faire surprendre, auraient appelé les cafetiers en criant « vite, vite » (bistro, bistro). Selon certains linguistes cette étymologie doit être écartée pour des raisons chronologiques. La première attestation du mot date en effet de 1884. (Source : wikipedia.org).


Mercredi 12/06/2013 - Soleil et nuages


Le Percy - Mens – 18,5 km, dénivelé de 679 m à 866 m, cumulé 631 m



Je suis debout à sept heures, à huit heures nous prenons notre petit-déjeuner. Quelque chose fait que notre nouveau « plan de route » ne tient pas encore la route justement... Mais d’abord, Madame Fumat nous gâte encore une fois avec une abondance de pains de campagne, baguette, biscottes et brioches, le tout garni de trois sortes de confitures, de miel et de beurre. Prudemment, Rainer avance une éventualité : « on pourrait peut-être essayer – enfin je dis ça comme ça – en ne faisant que 5 kilomètres, pour voir si ça va quand même... ».


Après avoir échangé quelques pour et contre, nous nous retrouvons sur le chemin. La voiture reste au Percy. En cas de catastrophe, notre hôtesse viendra nous chercher à l’un des endroits convenus où le sentier croise la départementale. Au bout de 5 km : rien. Au bout de 10 km : aucune douleur ! ??? Nous continuons notre marche pleins d’entrain et remarquons bientôt que le pays tout en haut du Col de Menée qui semblait être une plaine ne l'est pas du tout. Des rivières plus ou moins importantes ont creusé dans le plateau des sillons profonds qui déterminent le cours des routes et des chemins. Le paysage du Trièves est dominé par le vert. Alors que la neige le recouvrait encore complètement au mois de mai, le printemps a maintenant repris ses droits. Les buissons et les prairies fleurissent et notre chemin se faufile à travers cette splendeur. Des petites passerelles enjambent ça et là le cours encore puissant des eaux et des ponts parfois imposants empêchent que les routes départementales descendent trop en lacets dans les vallées fluviales. Déjeuner pique-nique sur un banc le long du chemin. Nos chemises et nos vestes mouillées de sueur sèchent au soleil. Puis nous repartons en empruntant des chemins creux, des sentiers muletiers étroits et, de temps à autre, de courts tronçons de route asphaltée


Devant nous, dans la brume du soir, se dresse la montagne que l'on appelle populairement « Le Bonnet de Calvin » et qui doit son nom à la forme du chapeau du réformateur français.


Le Bonnet de Calvin


Derrière, il y a « l’Obiou », point culminant du massif du Dévoluy. Ces deux montagnes seront nos guides aujourd’hui. Si l’on regarde de temps en temps en arrière, vers l’est, on a toujours devant les yeux la chaîne de montagnes du Vercors, plus de 2 500 m d’altitude, d’où émerge le fameux Mont Aiguille comme une incisive mal implantée.


Le Mont d'Aiguille


Jusqu’à maintenant, la randonnée n’a occasionné absolument aucune douleur à Rainer et au bout de 18,5 km, nous atteignons notre but d’aujourd’hui, le Gîte de Préfaucon, un peu à l’écart de Mens. Ici aussi, accueil très aimable ; ici encore – comme hier – nous sommes les seuls clients. L’hiver interminable a déclenché de nombreuses annulations et entraîné des pertes considérables pour ces chambres d’hôtes, qui ne sont en général pas situées aux bords des routes.



Nous nous installons dans la chambre de notre choix (un an seulement après la reprise de cette auberge, les chambres attendent encore d’être un peu rénovées), puis, devant un délicieux jus de pomme nature fait maison, nous pouvons encore profiter quelques heures du soleil avant que Madame Albert ne nous appelle pour le dîner. Comme on nous l’explique, le département de l’Isère est le deuxième département « bio » français après la Drôme, et ses produits sont connus loin à la ronde. Vin d’orange à l'apéritif, salade verte du jardin, ragoût de porc et riz, et en dessert, de la compote de rhubarbe – une fois encore du jardin, où s’ébattent aussi des poules et des oies. Au loin, on entend les cloches des troupeaux de moutons dans les pâturages...



Il est temps d’aller dormir, demain plus de 22 km nous attendent, avec montées et descentes à foison.



 Jeudi 13/06/2013 – Soleil, 30° le midi, plus tard nuageux


Mens - La Mure – 22,5 km, dénivelé de 866 m à 1060 m, cumulé 880 m


Vers 8 h 30, Rainer est déjà en route avec notre hôte pour aller chercher sa voiture au Percy et la déposer à Mens. Nous avons décidé de procéder ainsi par mesure de précaution, au cas où l’orteil referait vraiment parler de lui. Pendant ce temps-là, je me mets en route en direction de Mens, pour que nous puissions y reprendre la route ensemble.

Madame Albert m’a proposé un changement de route en alternative de celle de SAFRAN : le Chemin des Philosophes. Il commence au bout de deux kilomètres de route départementale environ, en haut de la colline, et son tracé est parallèle au lotissement traversé hier. Flanqué des deux côtés de hautes haies qui se rejoignent au-dessus du chemin – une protection d’ores et déjà agréable contre le soleil qui s’annonce généreux aujourd’hui. Un panneau d’information sur le bord du chemin donne des explications sur le massif du Devoluy et sur l’Obiou (ce nom viendrait du provençal Testo de biou, tête de bœuf, et évoque effectivement bien la forme du sommet) et un autre sur les formations géologiques de cette région. Au bout d’un quart d’heure, j'atteins l’une des rues du village de Mens, qui mène directement au centre. Rainer est déjà là, la voiture est au parking. Donc, allons-y !



Mais Mens vaut la peine d’être visité. La halle (malheureusement, aujourd’hui il n’y a pas de marché), les toits pentus à deux croupes et à croupettes, avec leurs génoises en saillie, les rangées de tuiles plates ressemblant à des écailles de poisson ou les lucarnes en avancée sur les pignons des maisons, appelées « engrangeous » et équipées d’un système de poulie qui servait autrefois à monter la paille dans le grenier (tous les ans, le 15 août, la Fête du Bourras organise un concours pour savoir qui sera le plus rapide à hisser le drap (bourras) rempli de graines dans les engrangeous. Mais Mens est surtout marquée par son rôle pendant la Réforme, qui lui a valu le nom de « Petite Genève des Alpes ».




Lorsque Calvin et Luther prêchent la réforme de l’Église au XVIe siècle, leur appel trouve un écho particulièrement fort en Trièves et notamment à Mens. Grâce à la présence du connétable Lesdiguières, Mens devient vite une place forte du protestantisme et assure une paix relative dans la région jusqu'à la fin des Guerres de religion en 1589. Les maisons de riches commerçants et artisans témoignent aujourd’hui encore de cette époque.




Nous nous mettons en route vers Saint-Jean d’Hérans, à quelque 11 km de là. Non loin de Mens, le chemin monte dur vers une croupe boisée ; dans le carnet de route, sous le « repère C », la hauteur indiquée est de 1 060 m et on nous conseille d’ignorer un chemin prenant à droite (que nous ne pouvons d’ailleurs pas trouver).





L’altitude indiquée, par contre, ne peut être atteinte qu’après avoir continué la montée par un chemin prenant à gauche. À l’arrivée en haut, il s’avère que nous aurions mieux fait de prendre le chemin entre les deux... Une situation un peu confuse. Comme la carte affirme qu'il y a une autre descente en alternative, nous la prenons et après la marche qui suit sur la D 526, nous arrivons à Saint-Jean vers midi. Le village somnole sous la chaleur de midi, aucune ombre pour faire notre pique-nique. Nous continuons donc notre chemin en prenant la D 526 en alternance avec des chemins qui suivent la route ou d’autres qui en coupent les lacets. Vers 13 heures, nous arrivons au Pont de Cognet, un pont sur le Drac. Ici, dans le ravin, la chaleur s’accumule, mais avant d’entreprendre la montée des lacets raides de l’autre côté, nous attaquons d’abord le pique-nique plus que copieux qu’a préparé pour nous notre hôtesse de Mens. Le Drac sert de frontière entre les régions du Trièves et de la Matheysine et autrefois, il constituait souvent une barrière entre les deux populations. Pendant les Guerres de religion, il existait un pont plus en amont, mais il était sans cesse la proie des intempéries et fut surtout plusieurs fois détruit par des faits de guerre et reconstruit. Jusqu’à ce que le connétable Lesdiguières en ait assez et fasse reconstruire un pont de remplacement à l’endroit actuel.



Après avoir savouré notre déjeuner et puisé de nouvelles forces, nous grimpons dans la Matheysine. Au milieu des lacets de la montée, juste avant d’atteindre Cognet, nous tombons sur tout un peloton de coureurs cyclistes qui descendent la route à une vitesse vertigineuse (nous les retrouverons le soir à l’hôtel de La Mure discutant du risque qu’il y avait à être facilement déporté du virage).
Du coup, nous avons raté la Chapelle de Cognet, perchée tout en haut d’un rocher au-dessus du Drac. Au lieu d’y retourner, nous préférons nous asperger la tête et les bras d’eau glacée au lavoir décoré de fleurs, en plein milieu du hameau.



Nous avons entre-temps retrouvé le haut-plateau et le paysage a changé : les prés et les champs sont cernés par des levées de terre plantées de haies. Ces « bocages » freinent l'érosion et sont profitables à l’agriculture écologique (elles empêchent aussi de voir se disséminer les graines portées par le vent des agriculteurs voisins qui ne pratiqueraient pas l'agriculture écologique). Je connais ce type d'enclos de haies de mes déplacements professionnels en Frise orientale (Allemagne) où ils coupent la force du vent omniprésent.


Les bocages


Une fois encore, les toits ont changé d'apparence : après les tuiles du Trièves posées comme des écailles, ce sont maintenant des carreaux plats en matériaux divers, posés sur la pointe.


Arrivés à La Mure, nous traversons pendant un certain temps les quartiers périphériques, puis à gauche, voici l’hôtel Logis Murtel et tandis qu’une première petite bière bien fraîche s’évapore presque sur ma langue, Rainer est déjà reparti à Mens pour transférer sa voiture une étape plus loin.


Il est de retour juste après sept heures, soulagé de ne pas avoir trouvé de PV sur sa voiture, qu’il avait inconsciemment garée dans une zone bleue (maximum 3/4 d'heures de parking selon la police). Le serveur avec qui je me suis entretenu un moment tout à l'heure, prend un air presque conspirateur pour nous accorder la meilleure place à la fenêtre et nous recommande un feuilleté aux fruits de mer et un ragoût de bœuf à la provençale – dessert à la carte. Dehors, sur la terrasse, les cyclistes venus d’Alsace repassent en revue leur circuit de la journée. Quelques-uns viennent seulement d’arriver, sous les quolibets habituels. Demain, ils repartiront pour une nouvelle boucle et ainsi de suite tout au long de la semaine.



Vendredi 14/06/2013 – Ciel couvert, soleil l’après-midi


La Mure - Laffrey – 16 + 4 km, dénivelé de 875 m à 1 144 m, cumulé 395 m



À 8 h 30, nous sommes de nouveau prêts à partir. Comme il n’y a que 16 km d’ici à Laffrey, nous avons tout notre temps et décidons d’aller d’abord visiter le musée matheysin. Malheureusement, le bâtiment devant lequel nous avons vu le panneau signalant le musée n’était pas le bon et nous sommes obligés de faire presque complètement demi-tour pour revenir au village – et ensuite constater que le musée est fermé.






Nous reprenons notre route. Après une petite montée en pente raide, nous atteignons « Les 3 Croix », érigées à l’emplacement d’un calvaire, un lieu riche en histoire. Connu depuis les temps préhistoriques, croisée des chemins à l'époque gallo-romaine et citadelle au temps du connétable protestant Lesdiguières, il fut le lieu d’une tragédie lorsque plus de 9 000 catholiques assiégèrent La Mure sous le commandement de leur capitaine de guerre Charles de Lorraine, duc de Mayenne. Réfugiés dans la citadelle, les 300 survivants des quelques 1 200 catholiques qui s’étaient enfuis, durent finalement se rendre à cause du manque de vivres et d’eau. La citadelle fut détruite et remplacée par une chapelle. Ce n’est qu’au XIXe siècle, que le calvaire des Trois Croix fut érigé sur l’emplacement de la citadelle.



Notre chemin prend aujourd’hui une direction nord et nous mène presque en ligne droite aux trois lacs, le Lac de Pierre-Châtel, le Lac de Pétichet et enfin Grand Lac de Laffrey, en suivant dans sa partie centrale le GR du Tour du Valbonnais-Beaumont. Malgré la différence d’altitude (qui passe de 875 m à 1 035 m), la marche nous y semble nettement plus facile que sur le chemin de la veille. Nous marchons d'abord quelques kilomètres à travers des champs sans arbres ni buissons, savourant pleinement le soleil déjà haut. Puis, à la hauteur du deuxième lac, nous passons devant quelques panneaux d'information qui ont beaucoup à dire sur les trois lacs et sur l'origine de la formation géologique. Impossible par contre de vérifier les indications fournies sur certains points, car depuis la mise en place des panneaux, les arbres ont poussé et cachent, sans doute depuis longtemps, toute la vue en direction du lac.


 


Nous nous arrêtons au bord d’une prairie parsemée de fleurs d’où on peut encore voir ce panorama et entamons notre dernier pique-nique de cette semaine de randonnée. Nous y rencontrons pour la première fois quelques randonneurs, mais tous apparemment venus des alentours. Il faudra sans doute encore quelques années avant que le Sentier des Huguenots ne fasse son entrée dans la cour des « grands ». Pourtant, le directeur de l’hôtel de La Mure nous a dit avoir déjà quelques réservations, ce que confirmera également dans le même sens plus tard l’hôtel de Laffrey.



À l’entrée de Cholonge, nous tournons direction est, suivons d’abord la D 115a, puis un chemin parallèle en forêt. Nous arrivons dès 14 heures à l’hôtel Logis du Grand Lac. Emplacement idéal, au fin fond du lac, d’où on peut l’embrasser du regard sur presque toute sa longueur.

Le Lac de Laffrey

Les tables et chaises vides attendent les clients. Sur le bord du lac, eux aussi dans l’expectative, deux douzaines de pédalos se balancent sur un lac lisse comme un miroir dans la chaleur de midi. Une petite bande de jeunes peine à se décider entre un bain de soleil ou peut-être un peu de foot. Finalement, ils font les deux et les joueurs de foot ne se privent pas de taper « sans le faire exprès » sur ceux qui ont choisi le bain de soleil...



À l’hôtel, nous signalons notre présence. Une vieille dame nous accueille, presque comme soulagée que nous soyons réellement arrivés. Comme dans les autres hébergements, nous sommes ici, en Isère, les premiers randonneurs qui voyagent avec SAFRANtours.


Nous nous installons dans nos chambres et un peu plus tard, nous nous retrouvons en bas, au bord du lac, d'où nous apercevons un restaurant touristique à quelques mètres de là. Peu de temps après, nous y sommes assis devant une petite bière fraîche et savourons le panorama. Surtout la vue sur le petit port de plaisance avec ses voiliers, un objet que Rainer ne raterait jamais. Mais il s’avère vite qu’il s’agit en l’occurrence d’un club de voile privé plutôt à l’abandon, où pourrissent des quantités énormes de matériel usagé. Nous trouvons un sentier de rive dans une sorte de forêt ressemblant à une mangrove et décidons d’y marcher jusqu’au prochain village, mais au bout de deux kilomètres, le sentier se perd dans la forêt. Au moins, avec le retour, nous avons « remplumé » le maigre itinéraire d’aujourd’hui et atteint les 20 km.


Le dîner nous est servi par une jeune et jolie serveuse. Apparemment une débutante, dont nous ne nous lassons pas d’admirer la démarche. Après chaque plat servi, elle se retourne en virevoltant sur la pointe des pieds comme une petite danseuse de ballet, avant de disparaître en direction de la cuisine – plutôt indescriptible. Notre menu, par contre, est facile à décrire : la vieille dame nous a concocté en entrée un potage à la viande de bœuf garni de ravioles (une des spécialités du Dauphiné), de divers légumes et de crème fraîche - un moment gustatif unique (malheureusement, une assiette seulement pour chacun !). Ensuite, aiguillette de poulet panée parfumée au coriandre, accompagnée d’une sorte de ratatouille, plateau de fromages et, en dessert, le fameux Café gourmand si apprécié en France (un choix de desserts différents autour d’un « p’tit café »). Dans ce cas, le p’tit café brille par son absence – p’tit péché.


Juste avant le dîner, un groupe de motards sympathiques, tous âgés entre 50 et 60 ans, est arrivé de Ludwigshafen (Allemagne) pour passer, comme chaque année, une semaine ensemble sur la route. Nous échangeons les habituels « d’où venez-vous et où allez-vous », leur spécialiste de la navigation au GPS promet de m’envoyer des informations par e-mail sur cet intéressant sujet (il l’a fait depuis), puis nous nous retirons dans nos chambres pour écrire ou lire.



Samedi 15/06/2013 – Soleil


À 9 heures tapantes, le taxi commandé la veille arrive et nous ramène cette fois ensemble à La Mure, pour récupérer la voiture garée à l’hôtel.



Sur le chemin du retour, nous traversons de nouveau un lieu chargé d’histoire : le 7 mars 1815, devant Laffrey, Napoléon, de retour de l'île d'Elbe et en route pour reconquérir le pouvoir, rencontre les troupes royales chargées justement de l’en empêcher. C’est en ce lieu que Napoléon se serait avancé au-devant des soldats lui faisant face, aurait entrouvert sa redingote et se serait écrié : « Soldats, s'il en est un parmi vous qui veuille tuer son Empereur, me voici ! ». Sur ce, les soldats auraient alors crié « Vive l’Empereur ! » avant de se rallier à celui qui avait déjà sacrifié des millions de leurs compagnons d’infortune sur les champs de bataille 
d’Europe. Quel homme...



Le reste est vite raconté : Rainer a l'intention de repartir en Suisse directement d'ici. Venus ensemble avec sa voiture, nous nous étions déjà posé la question de mon retour de Laffrey chez moi. Les correspondances des transports en commun aimablement communiquées par SAFRANtours s’étaient révélées extrêmement compliquées, avec plusieurs changements de taxi, train et bus. Finalement, j'avais réussi à convaincre deux de nos amis, qui arrivaient justement ce jour-là de Suisse, de me prendre en passant sur l'autoroute près de Barraux, au nord de Grenoble, ce qui résolvait mon problème. Ils arrivent une demi-heure seulement après mon arrivée à l’hôtel-restaurant Le Vauban et deux heures plus tard, nous prenons le café ensemble à Dieulefit. La troisième randonnée sur les Pas des Huguenots est terminée.

Il ne reste plus que le « débriefing » : regarder les photos, écrire le compte-rendu, chercher des recettes de cuisine huguenote sur Internet, parce que je l’ai imprudemment promis aux deux gérantes de chambres d’hôtes pour qu’elles affinent encore leur offre et puissent l’harmoniser à la thématique du sentier...